Libération : Annonce
d’une politique de rigueur, couac sur la carte famille nombreuse, possible
désengagement de l’État sur les lunettes… Jusqu’où pensez-vous que le
gouvernement est-il prêt à aller ?
Vincent Peillon : Il y a déjà un
problème de gouvernance depuis le début. On a l’impression que les choses sont
improvisées. Tout ces annonces, on ne sait pas si ce sont vraiment des
intentions du gouvernement, et si ça l’est, c’est démenti. Tout cela n’est pas
sérieusement traité. Etant donné nos perspectives de croissance, c’est
inquiétant. Il ne faut pas inquiéter les Français ni ceux qui investissent en
économie. Sur le fond, chaque fois qu’il s’agit d’évoquer les économies – et
pourquoi pas en faire – les intentions du gouvernement visent directement les
personnes qui ont le plus besoin d’investissement, de soutien. Ce sont les plus
en difficulté qui supportent le poids des réformes. Les réformes ne peuvent
passer que si elles paraissent justes.
Peut-on
parler de casse de l’Etat-providence ?
Incontestablement,
il y a l’idée que les difficultés de la France sont liées aux mécanismes de
solidarité. Ce sont sur ces mécanismes qu’on veut agir pour retrouver de la
compétitivité. C’est une doctrine libérale extrémiste qui est démentie par les
faits. Les pays qui font de la croissance sont capables de concilier les
sécurités collectives et individuelles.
»Il y a une
réforme nécessaire de l’Etat-providence. Ça ne fonctionne plus comme ça devrait
fonctionner. Il n’atteint plus ses objectifs en termes de sécurité et de
solidarité. Mais les réformes du gouvernement ne vont pas dans le bon sens. Il
faut un accroissement de l’investissement public dans ce qui est de l’ordre de
la prévention. Il faut agir sur les mécanismes à l’origine des inégalités, et
non uniquement sur la réparation. Sur le plan scolaire, il faut investir sur la
petite enfance. Il faut simplifier les mécanismes administratifs.
Sur le
mouvement lycéen, on a l’impression d’avoir assez peu entendu le PS…
Si, on a
entendu le PS, notamment quand a été voté budgétairement la réforme. Aujourd’hui,
on l’entend encore, mais il y a aussi les élèves, les professeurs, les élus
locaux. Dans cette réforme, les choses n’ont pas été négociées. On ne comprend
pas à quoi cela sert. Et là où se font les suppressions, ce sont dans les
endroits où on a le plus de besoin. C’est souvent en contradiction avec le plan
banlieue. Après, il est vrai qu’on pourrait faire des réformes dans l’Education
nationale. Mais il faut montrer qu’elles sont utiles et efficaces, les inscrire
dans un projet, que ce ne soit pas simplement une lecture idéologique. Actuellement,
il n’y a aucun discours sur l’école, juste un discours de comptable, sur
l’économie à faire.
Le système
de sanction pour les chômeurs qui refusent deux emplois «valables» est-il juste
?
Le problème, ce
n’est pas de sanctionner les chômeurs, mais de les accompagner, de la former. On
se rend compte que le problème est d’abord de créer un service public de
l’emploi efficace. Ce n’est pas une bonne façon d'entrer dans le sujet. Il faut
un regroupement aussi des l’Unedic et des Assedic, mais avec les moyens, ce qui
n’est pas le cas actuellement.
Mais doit-on
sanctionner les chômeurs ?
Il n’est pas
scandaleux de dire à des gens qu’ils doivent accepter des emplois, mais il faut
voir quelle est, derrière, la définition d’un emploi «valable». Là, ce sont les
questions de mobilité qui entrent en jeu. Si on vous appelle pour un poste à
temps partiel, avec un trajet lointain à faire en mobylette, ça pose problème.
Nicolas
Sarkozy bénéficie-t-il d’un certain état de délabrement de la gauche, notamment
au PS, en dépit des victoires aux municipales ?
Je ne crois pas
qu’il y ait un état de délabrement de la gauche. Après, la conséquence que
Nicolas Sarkozy tire des municipales, c’est de droitiser encore sa politique. Le
sentiment de la droite est que son électorat ne s’est pas mobilisé. Elle veut
donc créer l’affrontement, ce qui lui est utile. Cela plait aussi à ceux de
droite qui pensent que l’ouverture ne marche pas.
Les
batailles de personnes au parti socialiste ne laissent-elles pas aussi le champ
libre à Nicolas Sarkozy ?
Le PS va devoir
se mettre en ordre de bataille au niveau national. On doit être capable d’avoir
un vote de projet. Dans le congrès, il faut définir une orientation politique,
une stratégie d’alliance et un leadership. Les trois vont de pair. Pour
trancher les débats, il faut une autorité. Il faudra réaliser ces trois
objectifs lors du congrès.
Pierre Moscovici
prépare avec Arnaud Montebourg une contribution en vue du congrès, et affirme
refuser un courant «anti-Ségolène». En tant que soutien de Ségolène Royal, le
croyez-vous ?
Toute attitude
qui consiste à dire il faut un projet est bonne. On ne construit rien de solide
sur des rejets. Les options doivent être des options sur le fond. Moi, je pense
que le PS a besoin d’un leadership fort. Il faut une personnalité capable de
créer une dynamique, c’est pour cela que je soutiens Ségolène Royal.
Et comment
voyez-vous le rapprochement d’Arnaud Montebourg, avec qui vous dirigiez le NPS
au sein du Parti socialiste, avec Pierre Moscovici ?
Il y a peu de
temps, il était avec Ségolène Royal, après avec Bartolone et Cambabelis si j’ai
bien compris, maintenant avec Moscovici, et il déclare que s’il doit choisir,
ce sera Ségolène Royal. Après une période confuse, les choses évoluent dans le
bon sens.
PROPOS RECUEILLIS PAR FRANÇOIS VIGNAL (http:www.liberation.fr)
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