Le quotidien "Le Monde" publiait aujourd'hui, sous la plume de Jean-Michel Normand, un portrait de Vincent Peillon.
Dans un parti dominé par une rivalité entre deux femmes, Vincent Peillon est une des rares figures masculines à s'être hissée sur l'avant-scène socialiste. Le lieutenant de Ségolène Royal a pris son autonomie pour se transformer, au lendemain du congrès de Reims, en chef d'un courant de moins en moins ségolâtre. Après avoir scellé un rapprochement avec la majorité constituée par Martine Aubry, il s'est posé en trait d'union entre la première secrétaire et l'ancienne candidate à l'élection présidentielle.
Vincent Peillon cultive les contrastes, voire les contraires. L'agrégé de philosophie, spécialiste du socialisme prémarxiste, est aussi un redoutable homme d'appareil. Là où le dirigeant socialiste se contente en général de quelques citations de Jaurès, lui cite Merleau-Ponty, Edgar Quinet ou Pierre Leroux, l'inventeur du terme "socialisme". Reste qu'au PS, où les théoriciens n'ont jamais bénéficié d'un grand prestige, c'est davantage Peillon l'apparatchik que l'agrégé de philo - qui, pour ses 12 ans, reçut comme cadeau d'anniversaire de sa grand-mère le Discours de la méthode de Descartes - qui a fait sa pelote.
Vincent Peillon dit s'être construit contre un père qu'il admirait et l'éducation stricte, voire rigide, qu'il a reçue. "Banquier communiste", Gilles Peillon fut nommé à 36 ans directeur général de la Banque commerciale pour l'Europe du Nord, la "banque des soviets" qui assurait les transactions entre l'Est et l'Ouest. "Un homme de l'ombre, secret, qui a sacrifié sa vie personnelle. A la maison, il était interdit de poser des questions du genre "Comment vas-tu ?" Ce qui importait, c'était l'effort, le travail scolaire. On parlait plus géopolitique que politique."
Loin du rigorisme paternel, Vincent Peillon est un personnage chaleureux, souvent drôle mais qui peut devenir cassant, voire blessant dès que la tension monte. Sa carrière au Parti socialiste a débuté tambour battant. En 1994, adhérent depuis un an à peine, il présente sa propre motion, qui recueille 8 % des voix au congrès de Liévin. Devenu membre du bureau national, il tient la plume de Lionel Jospin lors de ses campagnes présidentielles et devient porte-parole du PS en 2000. Pour lui, le 21 avril 2002 est bien plus qu'un naufrage. La succession de François Hollande - alors premier secrétaire -, qu'il guignait, lui échappe et il perd son siège de député de la Somme, qu'il ne parviendra pas à reconquérir en 2007.
Il s'obstine. Elu député européen en 2004 - un lot de consolation - il apparaît comme premier signataire des motions du Nouveau Parti socialiste (NPS), le courant "rénovateur" dont il est cofondateur. Mais c'est Arnaud Montebourg qui capte la lumière des médias. En outre, le positionnement politique est mal identifié. "Beaucoup ont cru à tort que le NPS incarnait la gauche du PS, or nous voulions rénover en installant un réformisme assumé et c'est toujours mon idée", souligne-t-il. Aujourd'hui, Vincent Peillon plaide pour que les socialistes se préoccupent des sujets qui fâchent, comme la dette publique ou la réforme de la protection sociale. "Il ne s'agit plus de définir un socialisme à la française mais de donner une véritable perspective au pays face à la crise."
Il s'appuie sur ses réseaux hérités de la période NPS et se vante d'avoir "des amis partout". Avec le temps, l'eurodéputé a également suscité quelques rancunes tenaces. "Peillon ? C'est Lucrèce Borgia avec un physique de gendre idéal ; dès qu'il sent le pouvoir à sa portée, ce type devient dangereux. Alors, il ne faut surtout pas le laisser s'en approcher", s'emporte un ancien du NPS. Quant à François Hollande, qui le surnomma "le serpent", il ne manque jamais l'occasion de moquer les changements d'alliance qui ont émaillé sa carrière.
Evoquer Vincent Peillon, c'est forcément se pencher sur son équation politique avec Ségolène Royal. Formé à l'école Jospin et idéologiquement proche de Dominique Strauss-Kahn, il a rallié en 2006 celle qui lui apparaissait comme "la seule capable d'incarner un renouveau". D'un côté, l'aura et les intuitions de la présidente de la région Poitou-Charentes. De l'autre, des réseaux solides et l'appui des grosses fédérations des Bouches-du-Rhône ou de l'Hérault.
Cette association gagnant-gagnant a été mise à rude épreuve. Populaire parmi les militants mais allergique au cambouis des manoeuvres d'appareil, Ségolène Royal est parvenue à imposer sa candidature à des barons récalcitrants mais elle a échoué in extremis à conquérir le parti. Depuis, elle a décidé de reprendre de la hauteur. Vincent Peillon, lui, n'a pas tout perdu. Bien au contraire. Il se retrouve à la tête du premier courant du PS (29 % des voix). Un capital qu'il compte faire fructifier à l'horizon 2012. Au profit de Ségolène Royal ? "Nos rapports sont, je crois, assez affectueux... et un peu contrariés, aussi", admet-il, précisant qu'il n'a "pas besoin d'elle pour exister".
Selon lui, l'ancienne candidate "peut redevenir la figure qui fera gagner la gauche, mais elle doit d'abord s'imposer comme la meilleure et nouer de véritables relations avec les intellectuels ou les grands élus". Se rangera-t-il derrière Martine Aubry ? "La gauche est dans un tel état que ceux qui sont aux commandes peuvent rencontrer des difficultés..." Imagine-t-il alors se mettre à son propre compte ? "Des gens commencent à m'en parler, mais ce jeu est très compliqué", finit-il par lâcher.
"Peillon a longtemps fait office de porteur d'eau de la rénovation pour le compte de Jospin ou de Ségolène Royal. Il a construit sa légitimité dans le parti ; il est temps qu'il s'adresse aux Français", s'enthousiasme Pascal Terrasse, député et président du conseil général de l'Ardèche. François Rebsamen, numéro deux du courant, ne s'offusque pas de ces ambitions esquissées. Mais il tient à les modérer. "Vincent est intelligent, il a du fond et de l'avenir, mais il manque d'ancrage local et va devoir jouer collectif."
Vincent Peillon, de son côté, considère qu'il a une revanche à prendre. "S'agissant des gens de mon âge, on peut dire que le parti a dévoré ses propres enfants." Comme souvent au PS, les enjeux de pouvoir recouvrent des clivages plus générationnels que strictement politiques.
portrait en demi-teinte
C'est vrai que c'est maintenant qu'il faut se placer pour la prochaine élection présidentielle dont je ne serais nullement surpris qu'elle survienne avant 2012 tant l'exaspération que suscite Sarkozy est grande dans l'opinion.
Pour cela il faut afficher un programme clair, pas trop détaillé, mais concret, réaliste et suffisamment à gauche pour nous démarquer de nos opposants et rallier au deuxième tour les gens ayant voté pour l'extrême gauche au premier. J'ai envie de dire sur la ligne de certaines des paroles de Sarko (discours de Toulon) et non de ses actes.....et puis y aller en mouillant la chemise, et les gens suivront!
Rédigé par : Philippe | 22 mars 2009 à 10:44
@Annie,
... Hum! Alors, moi, je n'irais pas jusque là!
Clô!
Rédigé par : Clô! | 14 mars 2009 à 17:31
... Très jolie photo!
Clô!
Rédigé par : Clô! | 14 mars 2009 à 01:30
Tous les portraits de Peillon nous poussent à voir en lui l'avenir...Alors, souhaitons que celui-ci nous donne raison.
Rédigé par : Annie | 13 mars 2009 à 22:01
Très intéressant , merci à tous
Rédigé par : Kiboule | 13 mars 2009 à 03:16