À l'occasion de la sortie de son essai "La Révolution française n'est pas terminée" aux éditions du Seuil, Vincent Peillon a répondu aux questions de Jean-Pierre Déroudille pour le quotidien "Sud-Ouest".
Voici la retranscription de l'entretien.
« Sud Ouest » : À 48 ans, faites-vous partie de la génération qui va faire changer le Parti socialiste ?
Vincent Peillon : Ce que nous devons faire, qui est le problème de chaque génération, c'est écrire notre propre histoire. Chaque génération, pour s'enfanter, pour accéder à son présent, pour être dans l'action, doit faire son propre récit. Les générations qui nous ont précédés l'ont fait. Nous avons été élevés par des générations qui ont connu la Seconde Guerre mondiale, le nazisme, le stalinisme, l'anticolonialisme, voire même Mai 68 et l'accession de la gauche au pouvoir, ce qui était historique, en 1981. Toute une génération de gens de 30 à près de 60 ans n'a pas écrit pour l'instant son propre récit et n'a pas eu sa propre action.
À un certain moment, il ne suffit plus de rester dans le commentaire, mais il faut forger son propre récit intellectuel. D'autant plus que nous répétons des récits d'emprunt qui sont aujourd'hui inopérants.
« Sud Ouest » : Le Parti socialiste, près de quarante ans après Épinay, aurait donc besoin d'un tel renouveau ?
Vincent Peillon : Je pense depuis 1994, quand j'ai déposé ma propre motion au congrès de Liévin, que le PS doit se refonder. J'entends tout le monde le répéter aujourd'hui, alors qu'il y a seulement cinq ans on nous combattait quand nous le disions. L'effort que j'ai fait dans ce livre, c'est de poser la question des fondements du socialisme, de la République et même de la mémoire française. L'une des questions que je pose, c'est que la France est en difficulté dans l'Europe parce qu'elle a des problèmes d'identité liés à un faux récit qu'elle se fait sur elle-même, une espèce de « trou noir » au centre de son histoire. Il y a tout un travail de restitution à faire pour que le pays reprenne confiance en lui.
« Sud Ouest » : Qu'est-ce qui est exemplaire de ces faux récits ?
Vincent Peillon : Tout ce que nous avons construit, les lois de liberté de la presse et d'association, les lois de protection sociale, la démocratie parlementaire, n'a jamais eu droit de cité dans les réflexions qui ont toujours été dominées soit par le libéralisme, soit pas le marxisme. Or, aucun d'entre eux n'a en quoi que ce soit influencé la réalité de la réalité française. Mais ceux qui l'ont fait, Léon Bourgeois, Jean Jaurès, Léon Duguit, sont totalement inconnus de la plupart des Français ou méconnus, comme Jaurès dont ils ne connaissent que le nom. On oppose souvent des concepts : il faut être soit libéral, soit socialiste, alors que les deux sont totalement liés dans l'histoire. Bref, on vit avec une pensée qui est coupée des réalités efficientes dans l'histoire et grossière par rapport aux efforts de ceux qui ont construit la République.
À partir de 1905 s'est mis en place, avec la SFIO, un grand écart des discours et des actes que nous véhiculons encore aujourd'hui. Le socialisme doit reprendre contact avec ses sources vives qui sont celles de la IIe République, extrêmement modernes et vivantes, alors qu'il avait plié devant le socialisme allemand.
« Sud Ouest » : Au PS, pour en revenir à une question de générations, les plus jeunes, Valls, Moscovici, Montebourg, Dray, vous-même, semblent avoir été sacrifiés ?
Vincent Peillon : Je ne crois pas que ce soit exact. Moscovici a été ministre cinq ans ; Manuel Valls était déjà présent auprès de Michel Rocard, puis à Matignon avec Lionel Jospin ; Montebourg est député depuis l'âge de 34 ans ; moi-même, qui ai adhéré tard au PS, j'ai eu la chance d'être député jeune, d'avoir travaillé avec Jospin. Cette génération, si elle est plaintive, tant pis pour elle, mais nous n'avons pas été sacrifiés. Quand François Hollande est arrivé à la tête du PS il avait à peine plus de 40 ans. Il s'en va alors qu'il n'est pas un vieillard.
Si on allait au fond des choses, la seule chose que je dirais, c'est qu'en 2000, lorsque Lionel Jospin a remanié le gouvernement après les difficultés qu'il avait eues avec Dominique Strauss-Kahn et Claude Allègre pour les raisons que l'on sait, il n'a pas été judicieux de faire revenir Jack Lang et Laurent Fabius, et cela n'a pas été une bonne chose non plus vis-à-vis de l'opinion. Il aurait peut-être été utile à ce moment-là de mieux préparer une nouvelle génération à l'exercice des responsabilités futures.
C'est le seul regret que j'ai dans ce panorama. Il aurait nommé François Hollande aux Finances, il aurait fait monter des jeunes, nous aurions pu avoir un soutien un peu différent en 2002. Mais aujourd'hui, je ne crois pas à cette question de génération, parce que nous avons maintenant une génération entre 30 et 40 ans, beaucoup plus jeune que moi. Le problème majeur, ce n'est pas une question d'âge, c'est que le parti soit capable de se refonder pour être capable de gouverner, de gouverner bien dans la durée, afin d'éviter la malédiction du socialisme français.
Bonjour,
j'ai écris ce matin un petit texte sur votre excellent livre pour mon blog.
Bonne chance te bon courage pour la suite.
http://www.philaxel.com/2008/08/26/blog-musical/la-revolution-francaise-n%E2%80%99est-pas-terminee/
Philippe
Rédigé par : Philippe Axel | 26 août 2008 à 14:35
"Chaque génération pour s'enfanter... doit faire son propre recit."
Veillons pour que ce ne soit pas le recit du sarkozysme que cette génération, qui n'a pas encore de recit, laisse comme héritage aux générations futures!
Pour cela nous savons compter sur vous, Vincent Peillon, vous et pas mal d'autres qui travaillent avec vous. Malheureusement à l'intérieur du parti tant de compétences et de valeurs se sont perdues pour un simple et utopique plat de lentilles...
Souhaitons à Reims un nouveau souffle d'espoir.
Rédigé par : ketty mendez | 25 août 2008 à 19:07