Ancien président de la Commission européenne, Jacques Delors a accordé au quotidien "Le Parisien" une interview croisée avec Vincent Peillon pour l’élection du 7 juin.
Le Parisien : Le taux d’abstention s’annonce important. N’est-ce pas déjà un aveu d’échec pour l’Europe ?
Vincent Peillon. L’abstention est d’abord liée à l’attitude de la droite qui a volé aux Français cette campagne.
Le pouvoir organise un véritable déni de démocratie. La droite sait qu’elle ne peut pas espérer continuer à diriger l’Europe si elle dit la vérité sur son bilan en matière de services publics, de crise financière, de lutte contre les discriminations… Elle ne veut pas assumer non plus son projet. Et pour cause, c’est toujours plus de dérégulation.
Jacques Delors. En France, quand une décision positive est prise par le Conseil européen des ministres, le pouvoir dit : « C’est grâce à nous. » Lorsqu’au contraire une décision est moins favorable, « C’est la faute à Bruxelles ». Comment voulez- vous que les citoyens s’y retrouvent ? J’ajoute que l’aventure européenne est un projet fondé sur la mémoire et le long terme. Or, la vie politique est de plus en plus centrée sur le court terme et l’instantané. En cinquante ans, nous avons mis fin aux guerres civiles européennes. Nous avons institué le triomphe du droit en lieu et place de la loi du plus fort. Nous avons développé une culture du compromis entre des pays qui ont des traditions et des majorités différentes. Ne l’oublions pas.
Beaucoup de Français reprochent à l’Europe de ne pas assez les protéger contre la crise économique…
V.P. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Dans cette crise, l’Europe nous a protégés, en particulier avec l’euro. Mais il est vrai que la droite a donné à l’Europe une orientation qui n’est pas la bonne. Lorsqu’on renonce, contrairement au projet des fondateurs, à l’harmonisation sociale et fiscale, lorsqu’on refuse la directive service public qui fait partie du modèle social européen, alors on s’aligne sur des standards libéraux et on déstabilise les plus fragiles.
J.D. En se rendant complice d’une grave dérive financière, les gouvernements de droite ont renforcé l’idée que l’Europe ne protège pas. Au-delà des affrontements idéologiques, trois leçons sont à retenir de cette crise. Tout pouvoir qui n’a aucune limite finit par en abuser, y compris le pouvoir financier. Cette crise révèle aussi la tyrannie du court terme et du rendement. Dans l’euphorie générale, il y a perte de la conscience du risque. J’ai toujours dénoncé ces excès. Mais la droite, elle, n’a jamais rien voulu bouger.
Pourtant, dans un texte commun, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy ont plaidé pour « une économie de marché responsable » : n’est-ce pas une définition du delorisme ?
V.P. Ce n’est qu’un tract de campagne. Là où l’Europe aurait besoin d’un couple franco-allemand fort pour avancer, ni Angela Merkel ni Nicolas Sarkozy ne sont en mesure de proposer une action précise.
J.D.Dans ce communiqué à visée électoraliste, Angela Merkel et Nicolas Sarkozy se contentent de souhaits, de velléités et même de formules ambiguës. Ils prétendent que pour pouvoir agir, l’Union a besoin de frontières et qu’un élargissement illimité n’est pas possible… Mais ni l’un ni l’autre n’ont le courage de mentionner la Turquie. Et que pensent les pays des Balkans de cette formule ? Notre devoir historique est d’intégrer les pays de l’ex-Yougoslavie. Sur le plan économique, c’est bien gentil de faire des discours anticapitalistes quand on s’est rendu complice de la dérive libérale. Il n’y pas de quoi être béat d’admiration sur ce qui s’est fait ces derniers mois.
Vous voulez dire que la présidence française de Sarkozy n’a pas été si extraordinaire que cela ?
J.D. Nicolas Sarkozy a sonné le tocsin parce qu’il y avait le feu. Elever au niveau d’exploit son intervention dans le conflit géorgien ou à Gaza, il ne faut pas exagérer. L’Europe communautaire n’a pas non plus progressé. Dans le passé, c’est elle qui a fait toujours avancer la construction européenne. Et non pas, de temps en temps, un chef prestigieux qui pousserait tous les wagons.
Comment réagissez-vous lorsque François Bayrou laisse entendre qu’il est votre « fils spirituel » ?
J.D. Cela m’a plutôt agacé. Il ne faut quand même pas pousser. A ma connaissance, François Bayrou ne m’a jamais offert explicitement son soutien en 1994 (NDLR : Delors songeait alors à se présenter à la présidentielle de 1995). Je souhaite qu’il arrête.
Comment sortir l’Europe de son blocage actuel ?
J.D. Pour la mise en place de l’euro et de Schengen (NDLR : espace basé sur des règles communes en matière de circulation des personnes), l’Europe n’a pas cherché l’unanimité. C’est un groupe de pays qui a décidé d’être à l’avant-garde en s’organisant autour de coopérations renforcées. Je vois deux sujets d’avancées possibles : l’harmonisation fiscale et sociale, avec un fonds d’actions structurelles au sein de l’Union économique et monétaire, et une Communauté européenne de l’énergie. Les divisions des Européens vis-à-vis des fournisseurs de gaz et de pétrole sont désolantes. Si les 27 n’arrivent pas à articuler élargissement et coopération renforcée, l’Union deviendra ingérable et va s’engourdir.
Le PS fait campagne sur un changement de majorité en Europe. Est-ce réalisable ?
J.D. Il faut jouer le match pour essayer de le gagner. Nous pourrons parler de changement de majorité quand nous connaîtrons avec exactitude la géographie au Parlement européen le 7 juin au soir.
Dans les sondages, le PS se situe autour de 20%. Pourquoi si bas ?
V.P. Nous avons fait un mauvais congrès en novembre. Mais aujourd’hui, c’est surtout la dispersion à gauche qui nous pénalise. Quand on additionne les intentions de vote, le score de la gauche est bon alors que la majorité, elle, est très basse. Mais le score que les instituts nous prédisent reste convenable.
Convenable pour le PS alors que la crise sévit et devrait lui ouvrir un boulevard ?
V.P. La droite cache aux électeurs son bilan à Strasbourg et elle ment sur ses perspectives. Jacques Delors a été par exemple le premier en Europe à dire qu’il fallait recourir à l’emprunt pour financer des grands travaux…
J.D. C’était en 1993 !
V.P. La droite s’y est toujours opposée. Aujourd’hui, Michel Barnier y est favorable. Mais ce ministre a signé le manifeste de la droite européenne qui prétend que c’est impossible. L’UMP trompe les électeurs !
J.D. Quand les chefs de gouvernement de droite veulent rassurer l’inquiétude des citoyens, ils mettent en avant les amortisseurs sociaux. Mais qui les a créées si ce n’est les socialistes ? Et qui a freiné les progrès sociaux ? La droite ! Aujourd’hui, ils nous prennent sans vergogne nos arguments.
Le sort de Martine Aubry, la première secrétaire, est-il lié au résultat du 7 juin ?
V.P. Comme premier responsable du courant le plus important du PS, je vous le redis : il serait très curieux de vouloir se rassembler sur les listes, de l’obtenir et ensuite de lâcher la première secrétaire.
Propos recueillis par Eric Hacquemand, Rosalie Lucas et Henri Vernet pour Le Parisien
M. le député européen,
félicitations pour votre élection
dans la région Grand Sud-Est.
Quant au score du PS, il est supérieur à celui de 1994 ce qui n' a pas empêché la gauche plurielle de gagner les législatives de 1997.
Ceci est plutôt donc de bon augure
pour les législatives de 2012.
Salutations dévouées.
Rédigé par : André Guidi | 09 juin 2009 à 16:05
Bravo a tous les deux, nous sommes avec vous pour dimanche et j'aime bien la réponse de Vincent pour Martine merci
Rédigé par : laffin annie | 04 juin 2009 à 12:10