Libération publie aujourd'hui une tribune de Vincent Peillon. L’Europe politique est-elle devenue un scénario impossible ? Elle est toujours éminemment souhaitable. Il y a une identité européenne, autour de ce que Bronislaw Geremek appelait «l’irréductibilité de la dignité humaine», qui s’incarne dans le modèle social de l’Etat-providence. Ce modèle a été réévalué par la crise financière et l’effondrement du modèle néolibéral : ce n’est plus la «Vieille Europe», mais le nouveau «Nouveau Monde». Des institutions politiques sont nécessaires pour porter le modèle européen, et le projeter sur la scène internationale. Mais il est vrai que la fenêtre d’opportunité, grande ouverte au cours des années 90, s’est refermée. L’objectif des pères fondateurs, c’était que la construction économique européenne ait un jour la masse critique pour basculer vers l’Europe politique. Pour leurs héritiers, ce jour est venu avec la chute du Mur de Berlin. Elle offrait la dynamique politique, dans l’enthousiasme de la réunification du continent. Témoignage de cette volonté, le changement de dénomination de l’Europe opérée par le traité de Maastricht en 1992 : de la Communauté économique européenne à l’Union européenne – de l’Europe technique à l’Europe politique. Pourtant, négociations après négociations, – traités de Maastricht (1992), Amsterdam (1997), Nice (2001), Constitution européenne (2004), traité de Lisbonne (2007)–, l’Europe politique est repoussée.
Aujourd’hui, les énergies se sont épuisées, la flamme est presque éteinte. Il reste pourtant un espoir. Une Ire République européenne peut encore voir le jour. Mais elle ne se fera pas avec les moteurs du passé. Les gouvernements ont fait l’Europe par la diplomatie, à coups de traités intergouvernementaux, depuis le traité de Rome : ce moteur est cassé.
L’Europe politique ne pourra se faire qu’à traité constant. L’élargissement est passé par là. La réforme institutionnelle était difficile à quinze ; elle relève de la mission impossible à vingt-sept. De toute manière, on ne peut pas attendre des gouvernements, dépositaires de la souveraineté nationale, qu’ils construisent la souveraineté européenne. Le moteur d’hier, c’est la Commission. Elle a fait l’Europe, par sa dynamique et ses initiatives. Mais elle ne veut pas faire l’Europe politique. La clé de l’avenir se trouve ailleurs, au Parlement européen, dernière institution où souffle «l’esprit européen». Le Parlement européen est l’institution qui représente les citoyens : c’est à elle que revient de bâtir l’Europe démocratique. Le point central pour faire la bascule fédérale, c’est de transformer la Commission, aujourd’hui exécutif technique nommé par les Etats, en véritable gouvernement politique responsable devant les citoyens européens. Le Parlement peut le faire : il a les moyens de repousser les nominations des Etats et d’imposer une Commission issue de la majorité politique sortie des urnes. La bataille peut se livrer dans le cadre de ces élections. C’est ce que propose la gauche : si elle est majoritaire au Parlement, elle cherchera à écarter José Manuel Barroso, le président sortant de la Commission, conservateur, au profit d’un candidat issu de ses rangs. Mais les règles du jeu ne sont pas les mêmes avec ou sans le traité de Lisbonne. Sans lui, il faudra un véritable «coup d’Etat» politique du Parlement pour passer à l’Europe fédérale. Avec lui, l’opportunité juridique est ouverte et il reviendra alors aux parlementaires de prendre leur responsabilité. Mais pour que l’Europe politique voie le jour, notre génération doit prendre le relais. La génération d’après-guerre a réalisé la première étape européenne : elle l’a menée de la guerre à la paix, de la ruine à la prospérité. Nous devons bâtir la seconde étape, de l’intégration économique à la puissance politique. Le Parlement sera son théâtre d’opérations.
Cher Vincent,
Je t’adresse tous mes vœux de succès pour le scrutin européen de dimanche 7 juin à toi, Sylvie Guillaume, Karim Zeribi que je connais bien et apprécie particulièrement, et Farida Boudaoud. Vous incarnez le renouveau politique et l’humanisme européen nécessaires à notre démocratie. Tu as déjà été un très bon député européen et tu en seras un meilleur encore de 2009 à 2014.
Amitiés socialistes,
Christophe Girard
Adjoint au Maire de Paris chargé de la Culture
Candidat sur la liste de Daniel Cohn-Bendit en 1999
Candidat en Italie (Région Centre) en 2004
Rédigé par : Christophe Girard | 03 juin 2009 à 12:53