Vincent Peillon était hier l'invité des "Questions du Mercredi" (France Inter, Dailymotion, Le Monde). Il s'est exprimé sur l'anniversaire de la chute du mur, mais également sur les 1ères rencontres du rassemblement qu'il organise à Dijon samedi prochain autour du thème de l'éducation.
Nicolas Sarkozy et Angela Merkel main dans la main le 11-Novembre. Est-ce une belle image ou faut-il en finir avec cette commémoration ?
Je ne crois pas qu'il faut en finir, parce qu'on ne bâtit rien sur l'oubli. L'Europe a connu des guerres fratricides, a fait la Shoah, il faut s'en souvenir. La vraie question pour le projet européen, qui est aujourd'hui en difficulté, est de savoir si on ne peut bâtir que sur la commémoration. Un très joli livre, Le Hêtre et le bouleau, écrit par Camille de Toledo, vient de sortir. C'est un essai sur la tristesse européenne consécutive à la chute du mur de Berlin. Beaucoup de gens à l'Ouest - je suis fils de communistes - ont cru que de l'autre côté du Mur une autre société était possible. Inversement, à l'Est, ils imaginaient la liberté à l'Ouest comme quelque chose de formidable. Ce qui a disparu avec le Mur, c'est cette capacité à penser un ailleurs. La grande affaire, pour notre génération, qui n'a rien fait : ni la Résistance ni l'anticolonialisme, tout au plus Mai 68, va être d'écrire sa propre histoire. Nous ne pouvons pas être seulement les gestionnaires d'un mémoriel.
Le couple franco allemand est- il assez solide pour la construire ?
Je ne le crois pas. L'Europe est en panne, le couple franco-allemand aussi, enfermé dans des divergences profondes. Il n'a pas été possible de lancer un plan de relance européen parce qu'il n'y a pas de coordination entre les pays fondateurs, en particulier entre la France et l'Allemagne. L'Europe intégrée a échoué, l'Europe des marchés ne suffit pas à surmonter la tendance au repli national. Regardez ce qui se passe dans le choix du président de l'Europe. Il ne faut surtout pas qu'il fasse de l'ombre aux dirigeants des nations !
Samedi, à Dijon, vous organisez avec votre courant Espoir à gauche, une nouvelle rencontre publique aux côtés de Marielle de Sarnez(Modem), Robert Hue, Christiane Taubira(PRG) et de représentants d'Europe Ecologie. Vous voulez enterrer le PS ?
Pas du tout. Ce que nous voulons, c'est que la France puisse construire un autre avenir que le sarkozysme, qui est pour moi le symptôme d'un abaissement national. Pour y parvenir, il faut discuter et travailler entre progressistes. C'est ce que nous ferons samedi sur un sujet majeur : l'éducation. Car nous, nous pensons que l'identité nationale française se définit par rapport au respect de la raison, de l'argumentation et d'une école publique.
Allez-vous participer au débat sur l'identité nationale ?
Surtout pas ! Jamais, sauf au moment du pétainisme, nous n'avons défini ce que nous sommes par le rapport à l'étranger. Nous l'avons toujours fait par un espace commun qui est un partage de valeurs et un projet commun fait d'égalités, de droits, de devoirs et d'appels à la raison. Que ce soit Eric Besson, un ancien socialiste, qui porte ce débat fait partie de ce moment d'abjection qui consiste à pervertir toutes les valeurs et tous les repères.
Quand SégolèneRoyal, que vous avez soutenue en 2007, dit qu'il ne faut pas fuir le débat, comment réagissez-vous ?
Je pense qu'elle veut dire que la gauche ne doit pas donner le sentiment de ne pas s'intéresser à la France. Elle a raison. C'est pour cela que le débat sur l'école est aussi important : comment fait-on pour que 120 000 jeunes ne sortent pas tous les ans sans diplôme de l'éducation nationale ? Que les profs ne soient pas désespérés ? Tant qu'il y aura une dépression sur l'école, nous serons incapables de lutter sérieusement contre les inégalités et la reproduction des inégalités.
N'est-ce pas au sein du PS qu'un tel débat devrait se tenir ? Qu'est-ce que ce rassemblement social, écologique, démocratique que vous voulez faire vivre sur le Net ?
Il ne s'agit pas de créer un nouveau parti, mais de lancer des passerelles entre les progressistes pour faire émerger une majorité nouvelle, la plus large possible. Regardez ce qui arrive à Barack Obamasur la réforme de la santé. Il a été élu sur des intentions généreuses, mais au bout d'un an il rencontre d'énormes difficultés à appliquer son projet. Pour construire une alternative solide, il faut proposer un contrat clair aux Français.
A s'être moulée dans des institutions faites par la droite pour la droite, la gauche a perdu beaucoup de son souffle. Elle se focalise trop sur les querelles de personnes. La présidentielle telle qu'elle est en France ne favorise pas le débat d'idées.
Propos recueillis par Jean-François Achilli et Françoise Fressoz pour Le Monde
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