Dans l'édition du Monde de ce week-end, Vincent Peillon répond aux questions de Jean-Michel Normand et Raphaëlle Bacqué
Votre défection a été perçue comme un "coup médiatique". Avec le recul,
pensez-vous toujours avoir eu raison ?
Les Français sont préoccupés par l'emploi, la santé, l'éducation, le logement, mais l'audiovisuel public a décidé de programmer une série de débats sur l'identité nationale et l'immigration. Un débat qui fait honte à la France et stigmatise plusieurs millions de nos compatriotes. Sept émissions sur neuf organisées aux heures de grande écoute ont été consacrées essentiellement à cette question. Il fallait arrêter cela. Mais comment se faire entendre ? Le président de la République a déjà la mainmise sur de nombreux médias privés, par sa proximité avec les propriétaires des principaux grands groupes privés. Et maintenant, cela concerne le service public ! Dans le classement de Reporters sans frontières sur la liberté de la presse, la France est aujourd'hui 43e. Elle était 11e en 2002.
La gauche y est pourtant régulièrement invitée et peut
s'exprimer librement.
Il
a fallu deux ans au CSA, composé de neuf membres entièrement nommés par la
droite, pour décider qu'il faudrait rééquilibrer le temps de parole du
président de la République avec celui de l'opposition. Mais il lui a fallu 24
heures pour condamner mon refus de cette dérive du service public…
Pourquoi avoir d'abord menti et fait mine d'accepter
l'invitation ?
Lorsque
j'ai été invité, on ne m'a pas dit que le débat serait organisé autour d'Eric
Besson. Je ne savais même pas, d'ailleurs, qui seraient les invités. Je l'ai
appris plus tard en lisant Le
Parisien, le 17 décembre. J'étais dans le train, de retour de
Strasbourg avec Marielle de Sarnez. Le 9 janvier, je ne sais toujours pas quel
sera l'ordre des débats. Ces deux scènes ont été filmées par des journalistes
et sont visibles sur Internet, contredisant ceux qui me traitent sans vergogne
de voyou. C'est Arlette Chabot qui finira par m'apprendre le déroulé, le jour
même du débat à 11 h 25.
Réclamer publiquement la démission d'un journaliste n'est
cependant pas la preuve la plus éclatante du respect de la liberté des médias…
Arlette
Chabot est directrice générale adjointe du groupe France Télévisions, et j'ai
aussi mis en cause la responsabilité du président et du directeur général. Ce
ne sont pas de simples journalistes. Ce sont les dirigeants du service public
et les responsables de cette programmation, contestée aussi par de nombreux
journalistes.
Vous regardez tous les jours le journal télévisé de France 2 et
de France 3, vous ne pouvez pas dire qu'il est aux ordres !
Les
rédactions font ce qu'elles peuvent, mais la perspective de la nomination du
président du service public par le président de la République exerce déjà une
pression sur leur travail et favorise la servilité de certains dirigeants. Il
faut revenir sur cette décision. Mais il faudra aussi réformer le CSA pour le
rendre indépendant et pluraliste, assurer, comme dans d'autres pays européens,
des ressources stables au service public et à la presse qui ne passent pas par
les cabinets des ministres. Une vraie loi anticoncentration est aussi
indispensable.
Le problème de la gauche n'est-il pas qu'elle se laisse dicter
l'agenda politique par Nicolas Sarkozy parce qu'elle est incapable d'avancer
ses propres arguments sur le chômage, l'éducation ou la fiscalité ?
En
septembre 2009, j'ai proposé dans un livre une réforme globale de l'éducation,
y compris une idée iconoclaste à gauche comme l'augmentation de 50 % du temps
de présence des enseignants dans leur établissement, accompagnée d'une
revalorisation de leur salaire. Cela ne m'a pas valu le moindre écho dans la
presse. A Dijon, ce n'est pas la teneur de nos travaux auxquels participaient
syndicats, experts, grandes associations qui nous a valu la présence de TF1 et
France 2, mais la venue spectaculaire de Ségolène Royal… Ce qui conduit nos
concitoyens à juger sévèrement et les médias et les politiques.
Votre génération semble prise dans son propre narcissisme,
avide d'apparaître dans les médias. Vous-même avez abandonné votre statut de
philosophe pour une version plus brutale et spectaculaire de la politique.
On
aime les philosophes lorsqu'ils n'agissent pas et restent à leur place dans
leur bibliothèque. Je m'y refuse. Leur place est dans la cité. Mais c'est vrai,
il y a beaucoup de candidats pour venir se montrer à n'importe quel prix.
J'aurais bien sûr préféré pouvoir dire solennellement que je ne viendrais pas
sur France 2 et que l'ensemble du Parti socialiste me suive. J'en ai parlé avec
Martine Aubry. Mais les choses sont ainsi faites qu'un remplaçant se serait
vite proposé.
Le rassemblement que vous avez fondé avec Daniel Cohn-Bendit,
Marielle de Sarnez et Robert Hue débat justement ce week-end de la VIe
République. Comment réorganiser les pouvoirs en France ?
Ce
sont nos institutions qui permettent cette concentration des pouvoirs autour
d'un président qui organise l'abaissement des ministres et du Parlement.
Souvenons-nous du conseil d'administration de France Télévisions supprimant sur
ordre la publicité après 20 h 30, alors que les parlementaires n'avaient même
pas encore débattu de la question. Je suis partisan d'un parlementarisme plus
fort. Il faudra aussi poser la question de la proportionnelle, qui permet le
respect, oblige à la délibération et au compromis.
C'est-à-dire le retour à un régime parlementaire ?
Oui,
notre pays gagnerait à être conduit par des gens dont la principale
préoccupation ne soit pas d'abord leur image ou les sondages.
Si les primaires socialistes avaient lieu aujourd'hui, quel
serait votre candidat ?
La
question ne se posera que vers la fin du premier semestre 2011. D'ici là, nous
devons nous rassembler, définir une stratégie d'alliance et construire des
propositions précises. Mon choix se portera vers celle ou celui qui permettra
véritablement que l'on tourne la page Sarkozy. Notre génération n'a pas encore
pris la parole dans l'Histoire. Elle doit écrire son propre récit. 2012 est un
bon rendez-vous pour cela. Nous avons besoin d'une VIe République.
Propos recueillis par Raphaëlle Bacqué et
Jean-Michel Normand
Bravo pour vos prises de position courageuses contre les manipulations politico-médiatique...
Poursuivez ce necessaire travail de reconquête de nos libertés.
Rédigé par : brou | 10 février 2010 à 20:54
Serviabilité : 4 questions à Mme Chabot.
Voici le lien :
http://www.lepost.fr/perso/penseurlibre/
Rédigé par : penseurlibre | 27 janvier 2010 à 21:58
Bonjour,
j'avais apprécié votre intervention, invité par "arrêt sur images", votre aspect pas langue de bois, notamment votre position sur l'école. Mais là, vous avez fais la bourde de votre carrière. Une figure de moins, c'est Sarkozy qui doit être content.
Rédigé par : clement | 25 janvier 2010 à 15:52
Enfin, un vent de fronde qui souffle dans l'air républicain. A quoi sert un homme politique, si ce n'est pour porter sur la place publique les dérives contre lesquelles le citoyen qui vote tous les n ne peut que se lamenter. Poursuivez monsieur Peillon, il y a encore beaucoup de servilité et de courtisans à combattre.
Rédigé par : Emmanuel | 25 janvier 2010 à 15:12
"«M.Peillon est un homme qui est en perdition», a déclaré lundi Patrick de Carolis."
EN PERDITION DE SERVICE PUBLIC...
D'INFOS MANIPULEES ...
AH OUI D'ACCORD !!!!!!!!
Rédigé par : Veritas | 25 janvier 2010 à 13:50
Tenez bon, M. Peillon. N'écoutez pas la meute des journalistes officiels, l'histoire leur donnera tort. Bravo pour votre décision : vous avez fait preuve de courage et d'audace.
Arlette Chabot avait en quelque sorte "triangulé" le débat au profit de M. Besson : le piège parfait, donc... Ce n'est pas tous les jours que l'on voit un homme politique refuser si radicalement ces mises en scène politico-médiatiques.
Je me sens d'autant plus libre de vous apporter mon soutien que je ne partage par ailleurs votre positionnement au PS (mais c'est une autre histoire..)
Rédigé par : Guillaume F. | 25 janvier 2010 à 13:24
On voit comme ce signal, que vous envoyez à tous, a du mal à être entendu. Alors le mien est pour vous dire mon soutien, même de loin, même en gros. La route va être longue.
Rédigé par : Nicole Orthous | 25 janvier 2010 à 12:21
Quand les médias de masse pratiquent une propagande aux effets désastreux (2002) ? "Poison d'Avril", de William Karel :
http://www.dailymotion.com/video/x2ut46_le-journal-televise-commence-a-20-h
Rédigé par : grellety | 25 janvier 2010 à 10:50
Vous prenez, cher-Vincent-Peillon-avec-qui-je-ne-suis-pas-toujours-d'accord, un risque personnel : le boycot fait de vous un chat noir de l'audiovisuel, pour quelque temps. L'entretien au "Monde" n'arrangera pas vos affaires avec ceux dont vous dénoncez la servilité (je ne vois là ni injure ni diffamation, il n'est pas interdit en France d'émettre publiquement une opinion sur le sujet, fût-elle sévère). Politiquement, vous apparaîtrez durablement comme un manipulateur.
J'applaudis, pourtant! Sans ce clash, on n'aurait jamais mis le doigt avec une telle acuité sur la manipulation de l'info par un audiovisuel public souoieux de ne pas contrarier "l'actionnaire" (saluons au passage le travail de France Inter!). A quel titre, et en référence à quels comportements exemplaires, Carolis et Mme Chabot seraient-ils fondés à s'ériger en professeurs de déontologie? Merci pour cette belle colère et pour ce cri d'alarme, qui pourrait aussi se traduire par : "Servile je te vois! Servile je te vois!"
Rédigé par : Avertin | 25 janvier 2010 à 10:17
Bravo monsieur Peillon
D'avoir dénoncer la stratégie du bouc émissaire et dans la foulée les serviles médias .
Rédigé par : Alexandre | 25 janvier 2010 à 08:39
Merci de dire tout haut ce que l'on pense tout bas.
Courage !
Rédigé par : CADD | 25 janvier 2010 à 08:32
Merci Monsieur Peillon, vous dites tout haut ce sentiment partagé par de larges pans de la société française. La gauche et plus particulièrement le PS a toujours été frileuse face aux dérives de toutes sortes (libertés, droits économiques et sociaux, droits humains, corruption...)en oeuvre sous le règne de Sarkozy.
Vous réhabilitez le courage politique et le devoir de vérité, c'est tout à votre honneur. Beaucoup de vos concitoyens approuvent votre position malheureusement ils n'ont pas les moyens (médias par exemple) pour le dire.
Rédigé par : Elie | 24 janvier 2010 à 20:47
Agnès Jacquet ancien membre du PS(bureau fédéral) soutient le choix de V Peillon (prof. histoire-géo), Lyon.
Christophe Boisumeau soutient V Peillon (ingénieur), Maurepas (78)
Rédigé par : Agnès Jacquet | 24 janvier 2010 à 20:00
je m'étonne que vous puissiez parler de polémiques inutiles et ridicules alors que ce qui se passe en ce moment l'est !
j'ai de l'admiration pour vous donc par pitié : cessez cet égarement !
Rédigé par : zanzibar | 24 janvier 2010 à 19:28
Bravo!
je n'entend que des commentaires défavorables mais je vous félicite; je suis entièrement d'accord avec vous ! Personne n'ose parler de ce problème d'autocensure; il n'y a pas de critiques de fond sur le service public , les seuls avis autorisés sont ceux des "comiques" , les journalistes n'osent pas s"exprimer!
Continuez SVP
Rédigé par : Rom | 24 janvier 2010 à 19:26
Bravo pour votre décision si décriée de ne pas venir à l'émission d'Arlette Chabot.
La discussion du Grand Journal, devant le duo Duhamel-Aphatie dans les rôles d'accusateurs publics, a montré que la profession était plus choqué par la forme (votre 'démission' de dernière minute) que par le fond (les conditions pitoyables d'un débat imposé par l'agenda politique et loin des préoccupations réels). Votre 'mensonge' face à la rédaction de France 2 a choqué, comme si le mensonge n'était pas omniprésent en politique et dans les débats politiques? Le mensonge qui se dévoile, voilà l'insupportable. Mentir en conservant les formes est tout à fait accepter et acceptable et vous auriez pu dire au dernier moment que vous étiez subitement malade. Personne n'aurait rien trouvé à y redire. Mais dire ouvertement « j'ai menti en connaissance de cause », c'est casser les règles de la tacite complicité dans l'acceptation du mensonge entre politiques et journalistes. C'est inacceptable, car cela remet en cause l'édifice médiatique...
Le fond quand à lui a été débattu largement. Je pense qu'un débat sur l'identité nationale, ou avec le Front National est tout à fait légitime dans la mesure où ce sujet et ce parti font partie de la politique nationale. Mais donner sur une chaîne publique 'en prime time' une telle l'importance à un sujet qui n'intéresse que très peu et que seul l'agenda du gouvernement place au devant de la scène médiatique, c'est forcément aller dans le sens du sens du pouvoir, et faire preuve d'allégeance téléguidée ou non. Ne pas faire un vrai débat, avec plusieurs intervenants représentants des idées différentes et contradictoires, mais une émission 'faire-valoir' pour un homme politique (Eric Besson) très critiqué, au moment où la campagne électorale se profile, c'est faire déjà office de 'pré-campagne' électorale et rentrer dans le jeu électoral et nauséabond du pouvoir.
Bravo donc pour relancer le débat sur la servilité des médias en France.
Rédigé par : Serge Schwartzmann | 24 janvier 2010 à 17:48
Bravo Vincent pour ce pavé dans le marigot médiatique.
Il a eu au moins le mérite de remettre au devant de la scène la main mise sur l'information des communicants du pouvoir.
La plupart de nos concitoyens n'ont que très peu conscience des techniques subtiles d'orienter les infos que les chaines publiques diffusent. Et je ne parle même pas de la télé Bouygues élyséenne.
Continue et insiste. Ca nous donne un grand bol d'air.
Rédigé par : lepere88 | 24 janvier 2010 à 16:56
La fronde des médias après son traquenard, et maintenant il remet une nouvelle louche !
Il s'en mordra les doigts, ce coup fourré le poursuivra ?
Désormais les paroles ne suffiront plus: chaque projet fera l'objet d'un deal signé ?
C'est lamentable, nous sommes otages d'intérêts particuliers ?
Il a raison, cette émission n'était qu'une mascarade au service de Besson ?
Avant, c'était un gentil philosophe, maintenant c'est un bagarreur ! Bon coup de com ?
Votre avis: http://www.pnyx.com/fr_fr/poll/505
Rédigé par : Orange | 24 janvier 2010 à 14:33
bravo: intelligence et courage au service de la résistance; une bouffée d'oxygène,c'est pas trop tôt et ça fait du bien. La violence imposée à tous dans ce genre de débat nécessitait une méthode choc pour sortir à la fois de l'apathie et de la fange. J'ai manqué votre coup d'éclat, vu que je n'ai pas regardé ce "débat" nauséeux (je tiens à garder un esprit sain,je n'ai pas de temps à perdre et je ne supporte plus cette violence ordinaire et quotidienne)mais je me suis réjouie dès le lendemain d'une telle initiative. Merci pour cette éclaircie.
Rédigé par : anne chuiton | 24 janvier 2010 à 13:01
Monsieur,
passez a autre chose!!
quon vous entende sur Proglio, sur les commissaires europeens... il n'y a pas que d'Arlette Chabot dont il faut s'indigner!! loin de la..
Rédigé par : benoit | 24 janvier 2010 à 12:40
bravo françois Peillon, dénoncer la prise en otage par le gouvernement des média est courageux, nous en avons marre d'avoir toujours les mêmes sujets, les mêmes réflexions , des journalistes, nous nous refermons, il n'y a que la droite extrème droite qui parle dans ce pays. J'ai honte de notre pays et de nos journalistes. Comment donnez confiance à nos enfants de double culture, ils sont là, ils existent, ils n'ont pas à choisir. Mes 2 fils sont de mère auvergnate et de père Casablancais. Que leur dire ils aiment leur mère qui vit en auvergne et les emmène dans la ferme de leur grand père et au cimetière catholique. Ils aiment leur père qui vit à Casablanca une ville arabe musulmane en bord de mer ou tout le monde est acceuillant et ou ils passent des vacances de rêve. Ils ne croient plus en la France, nous sommes dans un régime fasciste par le discours. Mes fils vont encore devoir prouver leur nationalité et nous allons encore supporté ce Besson et ce pauvre con de Sarkosy.Je pleure chaque jour depuis son élection.
Merci monsieur Peillon de vous rebeller, je suis avec vous.
Rédigé par : Eliane | 24 janvier 2010 à 09:17
Comment se fait-il que les politiques de droite se plaignent de la tendance "gauchiste" des médias publics et que la gauche se plaigne exactement du contraire ? Comment se fait-il que votre opposition à la droite se transforme en opposition hystérique à force d'être systématique à la personne du Président de la République ? Les hommes d'Etat que la France a connus dans le passé (hélas !) n'ont jamais versé dans l'injure facile ...
Rédigé par : Michel Mingasson | 24 janvier 2010 à 07:40