Vincent Peillon était ce midi l'invité de Florent Guignard dans l'émission "Sur un air de campagne" sur Radio France Internationale.
Voici un court extrait de l'interview.
RFI : "Libéral", c'est un gros mot chez les socialistes ?
Vincent Peillon : Pour répondre à cette question, il faut opérer un détour par l'Histoire des idées.
En 1830, la devise du mouvement socialiste, alors en pleine éclosion, était "Plus de libéralisme impuissant". Le libéralisme - entendu comme la doctrine de l'émancipation de la personne, des droits de l'individu, de 1789 - se voyait en effet contesté par ceux-là même qui avaient mené, depuis une
trentaine d'années, le combat pour les libertés. Pourquoi une telle évolution ? Parce que ces intellectuels se sont rendus compte que revendiquer uniquement les libertés ne suffisait pas : seuls quelques-uns jouissaient des libertés acquises quand une majorité en était écartée.
Ces militants des libertés ont ainsi jugé nécessaire de compléter la doctrine libérale par la notion d'égalité. Or, le socialisme, ce n'est rien d'autre que cette même idée. Ce n'est rien d'autre que le constat qu'il faille créer les conditions de la liberté pour que chacun puisse être réellement libre. Autrement dit, c'est précisément pour réaliser ces libertés qu'on a construit le socialisme ! Sans l'intervention de la puissance publique, les politiques d'éducation de masse, etc., nous serions dans ce que Maurice Merleau-Ponty appelait la "mystification libérale" : les libertés pour quelques-uns et pas pour les autres. Le socialisme n'est ainsi en rien l'antithèse du libéralisme, mais son dépassement.
Je l'ai souvent dit, il ne faut donc pas laisser les libertés aux libéraux : ce serait une erreur majeure, tant stratégique qu'historique ! Malgré cela, cette doctrine - qui inclut la visée des libertés mais qui n'oublie pas que, pour que les gens soient libres, il faut mettre en œuvre un certain nombre de choses - porte un nom : et ça s'appelle le socialisme ! Il n'y a donc pas de raison de s'appeler aujourd'hui "libéraux" : c'est une question qui a été réglée en 1830...
Je note par ailleurs avec amusement que tout le monde réclame toujours des débats intellectuels, mais que le jour où une telle question fondamentale arrive dans le débat politique, on nous dit que c'est un faux débat, une querelle de mots. Or, j'insiste : c'est un vrai débat ! Car tant que l'on ne répondra pas dans notre société à la demande d'égalité - notre problème majeur depuis 30 ans -, on restera dans la mystification de libertés qui ne valent que pour quelques-uns : est-il nécessaire de rappeler que seule la moitié des enfants partent en vacances, que le système éducatif est en échec, ... ?
Pour une fois, nous avons un débat idéologique intéressant qu'il va falloir trancher.
merci pour cet ouvrage collectif faisant suite au colloque E. Quinet sur "inégalités et justice sociale".
Je le prête, je le fais lire, j'en photocopie des "bonnes feuilles" pour autrui, plein de choses illégales...rien de tel pour retourner les opinions. Comment faire passer le message au "grand public", voilà qui me taraude.
Rédigé par : marc44 | 23 juin 2008 à 22:15
Je me suis permis "Dix questions pour dix champions socialistes"
Qui jouera le jeu de la confrontation des idées, au-delà d’un pseudo-affrontement sur le champ de la sémantique ?
http://sarkononmerci.fr/files/dix%20questions%20dix%20responsables%20socialistes.html
Rédigé par : dedalus | 10 juin 2008 à 12:39
Repris sur mon blog !
Rédigé par : Olivier Bonnet | 07 juin 2008 à 23:37
Je ne m’ennuie jamais d’écouter Vincent Peillon que ce soit à la télé ou à la radio.
J’en suis presqu’à regretter qu’il n’y soit pas souvent présent (en comparaison à d’autres) ! Mais il est vrai que l’univers médiatique d’aujourd’hui n’est pas toujours haut de gamme et que les émissions qui consacrent leur temps à parler à l’intelligence des gens est de plus en plus rare.
Dès que j’écoute Peillon, je sens tout de suite qu’il s’adresse à moi avec intelligence. Ce qui est assez rare dans l’univers politique aujourd’hui…
Vincent Peillon est un intellectuel avant tout! D’ailleurs je me demande comme il fait pour être en même temps, les deux étant parfois antagoniques, à l’aise dans la politique. Et bien même dans ce cas, il s’exprime très bien, avec clarté et conviction !
Bonne continuation, monsieur Peillon !
Rédigé par : Sylvain | 05 juin 2008 à 22:51
Salut Vincent Peillon,
je viens de finir votre bouquin- intéressant- sur Leroux et je me demandais pourquoi vous n'interveniez pas encore dans ce débat d'idées entre BD et SR pour un rappel historique et philosophique.
C'est par un retour aux définitions des valeurs républicaines qu'on dénichera un projet solide face à l'agité de l'Elysée. D'ailleurs, ce gars a honteusement mais avec succès détourné l'idée du mérite avec sa rengaine sur le "travailler plus".
N'y a t il pas de l'espoir (et un vrai boulot de reconstruction) pour nous, pauvres militants socialistes désabusés par la guerre des chefs, si on revient, vraiment et sereinement aux sources ?
Rédigé par : flodechambe | 05 juin 2008 à 20:26
Cher monsieur Vincent Peillon,
La devise des socialistes au XIXème siècle n'était pas plutôt : "ceux qui n'obéiront pas seront traités comme du bétail" ? (Saint-Simon).
Et le peu que je sache, les principales controverses entre socialistes et libéraux à cette époque où vous affirmez que la "question" avait été résolue, elle portais plutôt sur les moyens pour atteindre certaines fins que plutôt les fins elles-mêmes.
Je termine ce court message par une autre citation de Elie Halévy qui permettra aussi de mieux comprendre qu'est ce qui a provoqué finalement chez les socialistes la dite rupture : "Les socialistes croient à deux choses qui sont absolument contradictoires : la liberté et l'organisation".
Mes sincères salutations.
Rédigé par : miguel | 05 juin 2008 à 19:07
Vous avez donc publié mon commentaire, M. Peillon. Mes plus plates excuses. Et... merci.
Rédigé par : Alex | 05 juin 2008 à 18:49
Le libéralisme c’est avant tout une philosophie. Héritée de philosophes au prestige incomparable tels que Locke, Montesquieu, Tocqueville, pour ne citer que ceux là. C’est une doctrine humaniste qui place l’individu au centre de tout, fait confiance à ses initiatives, son libre choix.
On a tendance à dissocier libéralisme économique du libéralisme en matière sociétale mais tous deux sont hérités de la même philosophie : celle qui prône que plus on donne de pouvoir à l’Etat, moins les citoyens ont de libertés. Et que plus on donne de pouvoir à l’Etat, plus il en prend.
Il est de bon ton aujourd’hui de critiquer le capitalisme et la mondialisation, mais regardons ce qu’était la société européenne avant l’avénement du capitalisme et de la mondialisation : une société agraire ou l’immense majorité de la population travaillait dur et vivait dans une pauvreté extrême. Le capitalisme à permis son enrichissement et son alphabétisation, c’est indéniable. Et il le permettra aussi au reste du monde, à condition justement de ne pas le brider. Le libéralisme prône la liberté d’entreprise, la liberté d’action. La flexibilité du marché du travail permettrait de diminuer le chômage et d’augmenter la richesse de la population. Mais tous les bénéfices du libéralisme seraient trop long à expliquer.
Simplement, il s’oppose à tous les totalitarisme et au contrôle des individus par l’Etat, et donc au contrôle de l’économie par l’Etat. Notons que tous les régimes totalitaires du Xxe siècle contrôlaient l’économie entièrement. Et que la solidarité privée a toujours été plus efficace que l’assistanat étatique qui n’est qu’un leurre de solidarité.
Vous réclamez un débat intellectuel, Mr Peillon. Pourtant je doute fort que ce commentaire soit publié. Enfin, nous verrons bien.
Rédigé par : Alex | 05 juin 2008 à 01:55
Bonjour
Felicitations pour tes analyses, toujours aussi claires.Au fait Delanoé nous déclare sur france inter que "le PS bouge grace à lui"J'espère que nous allons nous debarasser de ces rossignols ainsi que des démolisseurs (reconstructeurs) sorte d'armée mexicaine et que Ségoléne gagnera le congrés.C'est le seul espoir qui me reste et je compte sur toi.
Rédigé par : christian | 04 juin 2008 à 23:32
Merci M Peillon de rendre limpide et captivant ce theme aux allures de querelles byzantines. J'espere que la prochaine fois vous serez reelu dans la Somme. L'Assemblee Nationale a besoin de lumiere. A moins que d'ici la vous ne soyez devenu ministre (voir le 1er d'entre eux) de la premiere Presidente de la Republique.
Rédigé par : Marcel | 04 juin 2008 à 17:10
A lire :
Vincent Peillon règle la querelle sur le «libéralisme»
http://antennerelais.canalblog.com/archives/2008/06/02/9420559.html
"nul autre que Vincent Peillon ne serait plus à même d'accomplir une telle mission."
Rédigé par : Armelle | 02 juin 2008 à 21:34
...Après avoir lu aussi les textes de S. Royal sur le libéralisme, voici mes réflexions sur le sujet, ma petite synthèse personnelle, dont je vous laisse juge :
Il existe quatre prismes pour le libéralisme :
-Libéralisme privé = libertinage
-Libéralisme social = souplesse des mœurs, part d’individualisme
-Libéralisme politique = droits humains, démocratie
-Libéralisme économique = capitalisme illimité.
Libéral et liberté
D’emblée, la relation entre le mot « libéral » et le mot « liberté » pose question et mérite deux lignes. En effet, toute langue a sa logique ; en vertu de quoi, on pourrait s’attendre à ce que le mot « libéral » représente un adjectif qui naît avec le mot « liberté ».
-Libre = comme la liberté.
-Libéral = pour la liberté.
Logique et histoire des mots
Toutefois, en plus de la logique, comme le notait en son temps le sceptique Sextus Empiricus, une langue représente aussi une histoire. Aussi certains insisteront plus sur la connotation de l’histoire du mot « libéral », d’autres plus sur la logique du terme.
Niveaux de liberté (caractère complexe du concept liberté)
Si l’on parle de vie privée, de mœurs, de politique ou d’économie, les libertés sont des libertés différentes. Rien n’exclut que certaines libertés soient incompatibles entre elles.
Liberté et choix
Mais, quelque soit son niveau, la liberté implique l’existence d’un choix, qui permet à une action de se manifester « librement ». Pour être libre, il faut donc bénéficier de ce choix, qu’il s’agisse de vie privée, de mœurs, de politique ou d’économie.
Tendance cumulative de la force
En économie, la loi du plus fort tend à être cumulative. En effet, les forts ont tendance à devenir sans cesse plus forts, car ayant les moyens de se développer, et ressentant la nécessité, dans un univers très concurrentiel, de se développer encore… Cette tendance à l’accumulation de la force tend à créer des monopoles. Ces monopoles économiques tendent à être des dangers pour certaines libertés : liberté d’entreprendre, de vendre et de consommer librement, par exemple. La monopolisation du marché par des oligopoles peut donc apparaître comme une restriction des libertés….
Ces temps-ci, il semble que la liberté de spéculer des financiers du monde entre en conflit avec la liberté pour des peuples de se nourrir… On sait aussi qu’aujourd’hui la liberté de produire entre en conflit avec la liberté d’avoir une planète à bonne température et vivante de flore et de faune variées.
Economie démocratique
Jean Peyrelevade, (Modem, mais) avant tout gestionnaire financier de grandes structures au niveau mondial, a prôné, à la fin de son livre « Le capitalisme total », la réintégration de l’économie dans la philosophie démocratique.
Liberté plus égalité = socialisme ?
Cela rejoint l’idée de Vincent Peillon, suivant laquelle il convient de lier, à la notion de liberté, la notion d’égalité. Cette idée rappelle qu’une certaine égalité est une condition de la liberté (possibilité du choix).
L’actualité des socialistes
Au PS actuellement, il semble que certains adoptent le mot «libéralisme », pour signifier qu’ils considèrent les entreprises comme des alliés, non des opposants (Delanoë). D’autres au contraire (Royal) soulignent que la liberté est déjà un acquis socialiste, et que le mot « libéralisme » est trop « connoté » libéralisme sauvage. Cela me parait une question de parti-pris, de communication...
L’essentiel ne serait-il pas maintenant de savoir concrètement comment brider le libéralisme économique sauvage, pour pouvoir développer un socialisme libéral, c'est-à-dire acteur et modeleur de l’économie… pour plus de libertés ?
Amitiés socialistes...
Rédigé par : Claire D | 02 juin 2008 à 17:43
« Socialiste ET libéral ». Le congrès du Parti socialiste a commencé. Les offensives des deux camps officiellement en présence sont lancées. Le but est d’occuper l’espace médiatique, de provoquer un débat pour pouvoir maîtriser ce qu’il y a de plus fondamental dans la course au premier secrétariat : le temps.
Dans ce cadre, quoi de mieux pour provoquer la polémique que d’aller chercher un vocabulaire inhabituel ?
http://www.eglantine.info/index.php/?2008/05/30/75-are-you-liberal-or-conservative#co
Rédigé par : jacantoine | 02 juin 2008 à 09:26
Alors que la gauche a mal à ses idées, j'apprécie le retour à l'histoire des idées politique qui permet d'éclaircir notre période. Bravo encore Monsieur Peillon, j'espère que vous serez amené à rendre plus lisible encore les débats à l'avenir.
Rédigé par : Alexandre | 01 juin 2008 à 16:07
Comme d'habitude : Peillon passe et tout s'éclaircit. Où une telle clarté, une telle évidence, et ceci en quelques lignes, sur cette question du "libéralisme" qui occupe les médias depuis quelques jours ? Que de papier et de temps gâchés ! Cette façon d'aller au centre, avec simplicité et fulgurance, n'est possible qu'à celui qui possède une connaissance et une compréhension profondes du sujet.
Rédigé par : antennerelais | 31 mai 2008 à 20:34
Bonjour
Rien à redire monsieur Peillon
Mais le vrai challenge pour ma part n'est pas de rendre le socialisme plus libéral mais bien de rendre le libéralisme nettement plus social.
Si nous arrivions ne serait-ce à convertir le g8 au socialisme, la misère dans ce monde serait au moins je pense diminuée de moitié.
Rédigé par : Freud | 31 mai 2008 à 18:41
Je suis totalement d'accord avec ce billet de Vincent Peillon. Quand on entend ou lit le mot "libéralisme", on ne sait jamais de quoi les gens parlent : du plomb ou de l'or ? de l'omc ou du libertinage ? de la concurrence économique absolue ou de la liberté d'entreprendre ? De l'autonomie de la cité face à l'Etat ou de l'intérêt de l'Etat pour les entreprises ?
Un texte dont les mots ne sont pas bien définis ne vaut pas plus qu'un verre d'eau polluée : il convient de définir...
Il y a fort à parier qu'entre le libéralisme de Delanoé et le libéralisme d'Alain Minc, de fortes différences existent.
Aussi, merci à Mr Peillon pour son effort intellectuel. La gauche française a besoin de se reconstruire un nouveau vocabulaire. Même si ses bases sont bien posées, l'activation d'un nouveau vocabulaire, issu de féconds débats, parait une excellente chose.
Continuez...
Rédigé par : Claire D | 31 mai 2008 à 18:35
décidément tu parles toujours juste et remets les idées en place, il faudrait qu'on t'entende plus dans les médias, car les journalistes ont l'art d'abaisser la politique au degré zéro de la pensée, je crois aussi que c'est la maniere ostentatoire dont BD a réintroduit le terme de libéral, accolé au mot socialiste qui a créé la confusion , et la clarté obscure de cet oxymore inacceptable , en contexte d'une france , où les inégalitée sont criantes et où le liberalisme philosophique, n'a pas tenu les promesses qu'on pouvait en attendre, ou en tous cas il n'a tenu que comme "simulacre" appliqué au liberalisme économique. Quand on dit "libéral" les français ne pensent qu'au liberalisme economique, au capitalisme sauvage et aveugne qui fait tant de mal, partout dans le monde.
Rédigé par : dilecta | 31 mai 2008 à 16:44
Très bonne intervention Mr Peillon !
Se dire aujourd'hui "libéraux", c'est juste dire qu'on a décidé d'abandonner la question sociale et économique aux partenaires sociaux, ce qui à l'heure de la mondialisation est synonyme de la seule loi du "capitalisme financier" (ce qui ne veut pas dire grand chose mais a le mérite d'être une formule claire).
Le PS doit faire la social-démocratie à l'allemande .. soit avoir 50 ans de retard.
D'autres (parfois les mêmes à 2 semaines d'intervalles) nous racontent que nous devons devenir sociaux-libéraux comme les Travaillistes britanniques (qui eux sont organisés comme un vrai Parti) .. soit choisir d'avoir 10 ans de retard.
Ces 2 modèles sont en train de s'effondrer !
Nous devrions ne pas avoir peur de choisir pour une fois d'être à la page, de construire des réponses pour le monde tel qu'il est, comme sont en train d'essayer de le faire les Démocrates américains et les Travaillistes australiens, comme l'ont fait à leur manière les Scandinaves.
Répondre à la mondialisation, à l'enjeu écologique, au pétrole cher et à ses conséquences, aux ravages de l'Ultra-libéralisme économique, .. voilà les questions sur lesquelles veulent nous entendre les Français
Rédigé par : jérémie | 31 mai 2008 à 15:56