Vincent Peillon répondait, ce lundi, aux questions de Nicolas Demorand sur France Inter dans l'émission 7/10. Il s'est exprimé sur les nécessaires vrais changements du Parti Socialiste. Retrouvez ci-dessous les vidéos de son interview ainsi que des réponses qu'il a données aux questions des auditeurs.
Cher Monsieur Peillon,
J'apprécie beaucoup votre style - la compréhension sévère du philosophe sans doute.
Mais, je n'en finis pas de me demander quand les membres les plus éminents du P.S. prendront des cours de rhétorique et d'argumentation à la fois pour fourbir leurs propres armes et à la fois pour détisser la mauvaise phraséologie du camp d'en fasse.
Epingler l'abaissement national, certes! Mais le dénoncer, voire le moquer serait mieux. Le moquer non pour imiter l'adversaire mais pour refuser le degré zéro de la politique auquel il condamne le débat. Aujourd'hui, la politique se fait dans les couloirs du palais présidentiel et non sur la place publique : c'est une usurpation condamnable (qu'y compris certains parlementaires de la majorité condamnent)!
L'autre jour, j'entendais P.Karam sur France Culture. Comment argumentait-il banalités et grossièretés sur l'Outre-mer et sur certaines personnes de son propre camp? Comme un marchand en foire : "nous, ce que l'on propose c'est du neuf, c'est du jamais vu!" Plaquez ça sur n'importe quoi et vous avez la langue de bois de l'UMP. On cherche par là à nous persuader d'une rupture introuvable, voire d'une révolution. Doit-on traiter cela par le dédain? Non, sinon par orgueil personnel au moins par amour de la vérité et de la cité, il faut refuser de tels artifices, les dénoncer et les moquer. Non seulement, ils ne méritent pas mieux, mais ils ne méritent que cela. Jusqu'à quand acceptera-t-on de voir nos valeurs et notre exigence politique ainsi bafouée par des camelots? Il y a des gens que la politique de l'UMP touche et abat... Si la politique est jeu de pouvoir on ne peut pas ne pas croire qu'elle a sa fin hors d'elle-même, dans le peuple... Rendons au peuple ce qui lui revient : cela veut dire d'abord, l'intelligence de son propre destin et ensuite, sa maîtrise sur lui-même.
Mais quand, enfin, allez vous vous décider à demander si la rupture existe et quelle elle est? Non seulement si ce que disent vos adversaires est bien ce qu'ils prétendent mais encore si ce qu'ils disent correspond à leurs principes revendiqués, aux principes républicains, si ce qu'ils disent ici est cohérent avec ce qui disaient là, si leurs pseudo-déductions sont autre chose que des exhortations sans rime ni raison. Ne les imitez pas, de grâce...
Ils jouent les enseignants et vous font constamment élèves. Leur stratégie est de réduire leur adversaire à la minorité pour qu'il ne puisse plus que geindre et vivre de disputes enfantines. Eux enseignant! Eux qui se piquent d'avoir sous le bras qui Belle du seigneur, qui Voyage en Orient, qui Maupassant... Mais on ne devient pas le garant de la culture en deux semaines, même avec de bonnes fiches de lecture! Que veulent-ils enseigner, par leur pédagogie à la petite semaine qui est l'autre nom du bourrage de crâne. Drôle de conception de l'enseignement. Où l'on voit ce qu'ils veulent faire de l'école : non une voie d'émancipation mais une machine à formater. Voilà pourquoi, ils refusent que les professeurs d'économie enseignent autre chose que de la comptabilité.
C'est se moquer du monde!
De même l'on ne devient pas proche du peuple quand on se baigne dans une mince foule ceinturée par 1200 policiers à la Martinique, ou quand on propose une saynète avec de gentils ouvriers casqués et bien coopérants pour l'occasion! On ne passe pas de Neuilly à Cergy si facilement sinon par un méchant et pendable tour de passe-passe...
Quand on sait que derrière ces impostures divertissantes : panem et circenses, disaient-ils... Une basse politique de magouille se trame, de clientélisme, de détissage du lien social et, last but not least, d'insécurité économique, culturelle, juridique, médicale, sociale.
Et ils se disent le parti de l'ordre et de la sécurité... Mais ils en sont plutôt les fossoyeurs.
Les choses deviennent sérieuses : si elles ne sont pas canalisées, représentées, médiées par des hommes politiques elles s'exprimeront dans les formes les plus immédiates et barbares.
Que le consensus républicain sur la Burka et le Niqab ne cache pas ces reculs.
Il nous faut non l'individualisme du self-made man irresponsable qui croit être la seule origine de sa réussite. Mais il nous faut l'individualisme du citoyen qui se sait redevable aux autres et à sa cité de ses réussites et qui sait user des talents reçus dans l'intérêt général.
Vitam impendere vero.
Rédigé par : P.C. | 01 juillet 2009 à 23:08