Vincent Peillon était hier l'invité du Grand Jury RTL-Le Figaro-LCI.
Retrouvez l'intégralité de l'entretien en .MP3
Retrouvez la retranscription de l'échange entre Vincent Peillon et les journalistes du Grand Jury ci-dessous (un grand merci au blogueur Antennerelais, auteur de ce travail).
Retranscription disponible aussi sur : http://antennerelais.canalblog.com/
Le Rassemblement, une perspective pour 2012
Ce qui m'intéresse, c'est que des gens qui partagent un certain nombre de valeurs, et un grand amour pour leur pays, qui sont inquiets de l'évolution de ce pays (...), puissent travailler ensemble. C'est pour cela qu'avec mes amis, depuis plusieurs mois, nous avons fait ce qui s'appelle le Rassemblement.
Ce Rassemblement, c'est la volonté de rassembler des gens, qui sont des communistes, qui sont des écologistes, qui sont des radicaux, qui sont des citoyens. Pas n'importe qui : Robert Hue, Christiane Taubira, anciens candidats à la présidentielle ; beaucoup de vice-présidents [du] MoDem étaient là ; des socialistes éminents.
[Ceci] en se disant : si nous voulons jouer franc-jeu avec les français, si nous voulons proposer quelque chose de différent demain, il faut que l'on travaille sur le fond, dans la durée, dans le respect des uns et des autres, en montrant à la fois là où l'on peut converger, et diverger. Cela suppose beaucoup de précaution(s) ; cela suppose souvent de se mettre personnellement un peu en arrière, pour que nous soyions tous à égalité de droits et de devoirs ; et cela suppose une certaine persévérance (...) (nous avons quand même de beaux exemples dans le passé, François Mitterrand, Lionel Jospin). Il faut se donner du temps, ne pas faire les choses au dernier moment, respecter la méthode. (...) Il faut faire les choses avec patience et sérieux.
Il faut construire les solutions. Pour construire des solutions il faut travailler, il faut se parler, il faut se respecter, c'est ce que nous faisons dans le Rassemblement.
Ce qui m'intéresse, c'est que les communistes, les Verts, les radicaux, les citoyens, les démocrates (ceux du MoDem aujourd'hui), comme les socialistes, puissent venir dans ce Rassemblement sans renoncer à ce qu'ils sont. Cela manque dans la vie politique française - trop de mensonges, trop d'irrespect.
Nous allons faire le 23 janvier la question de la justice, des médias, de la nouvelle République. Nous traiterons bientôt la question de la réforme fiscale (je pense qu'il faut à ce pays une très grande réforme fiscale).
Ce qui m'importe, c'est que l'on dessine un projet pour la France.
[Nous avons] vu [quelqu'un] être élu sur un certain nombre de paroles : la revalorisation du travail (et immédiatement c'est d'abord les héritages que l'on a favorisé) ; l'emploi (nous avons augmenté de 25% nos taux de chômage cette année) ; la sécurité (4% de plus d'atteintes aux personnes dans l'année). Je pense que la France doit résoudre ces problèmes, que tous ceux qui sont de bonne volonté doivent s'unir pour le faire, et que aucuns de ceux-là, du moment où on le fait dans la clarté et sur le fond, ne doivent renoncer à ce qu'ils sont.
On a un déficit à 140 milliards, une Sécurité sociale à 35 milliards : ces problèmes sont devant nous, il faut construire des réponses. C'est notre travail. Les réformes que nous auront à faire seront extrêmement difficiles. (...) Les problèmes de la France sont des problèmes très complexes. C'est aussi pour cela qu'il faut une majorité large, c'est aussi pour cela qu'il faut un contrat de gouvernement dans la clarté, c'est aussi pour cela qu'il faut penser que l'on a pas toujours raison tout seul.
Nous avons besoin de remettre dans la vie politique, le sens du long terme et de l'intérêt général.
Une nouvelle formule à trouver
Il y a des changements politiques profonds dans la vie politique française, et c'est notre responsabilité d'en tenir compte.
Il y a un changement majeur. [Lorsque] j'ai commencé [ma] vie politique, c'était l'Union de la gauche, avec un Parti communiste à 25%. C'est fini. Et l'hégémonie y compris intellectuelle du Parti communiste sur la gauche française, c'est fini.
Il y a un 2ème changement. Il y a l'émergence d'une préoccupation, la préoccupation écologique, et d'un vote Vert, dont il faut tenir compte.
Troisièmement. La démocratie chrétienne, le centre français (Mme de Sarnez était et a travaillé avec Giscard d'Estaing ; François Bayrou a été un ministre de droite) : parce que Nicolas Sarkozy a durci les positions de la droite républicaine française, ce centre et un certain nombre de démocrates chrétiens ont quitté la droite. C'est quelque chose d'absolument fondamental dans l'évolution du paysage politique.
Nous sommes ceux qui veulent tenir compte de ce qui se passe, et trouver la nouvelle formule. La formule de demain, ce ne sera pas l'Union de la gauche, nous ne sommes pas avec Robert Fabre et un PC à 25%, c'est fini (...). Ce ne sera pas la "Gauche plurielle", Lionel Jospin lui-même en a acté le décès en 2002. Nous avons à inventer l'alliance et la stratégie politique, qui permettra - parce que c'est notre but - de servir notre pays.
Il faut travailler. Je ne pense pas que tout est réglé. Je ne pense pas que les accords d'appareils y suffiront. Je pense que nous devons travailler sur le fond, voir les convergences, voir les divergences, et essayer de construire ensemble ce projet.
La grande opposition, et ce qui fait beaucoup de mal à la France, c'est dans le fond : "ma personne avant tout", ou alors "un projet et un rassemblement". Je veux d'abord faire les idées (et ensuite le rassemblement).
Quel candidat(e) pour la gauche en 2012 ?
Nous ne savons pas qui pourra battre Nicolas Sarkozy, 2 ans 1/2 avant. Si Dominique [Strauss-Kahn] le peut, si Dominique le veut, si les militants le choisissent, si la gauche le porte, je serai à ses côtés, comme j'ai été aux côtés de Lionel Jospin, de Ségolène Royal : du candidat de la gauche.
Les questions de personnes prennent le pas sur tout, je pense que c'est une mauvaise chose, que ça désespère nos concitoyens, et que d'une certaine façon cela blesse notre pays dans la durée. Donc il faut être cohérent : la tâche à laquelle je me suis attelé, avec tous mes amis, c'est : obstinément, parler des problèmes de la France.
Sur l'environnement, Copenhague
A écouter via le lien audio (à partir de 28'30)
De la République
Nicolas Sarkozy est - il va j'espère s'en rappeler cette semaine - président de la République française ; pas de l'identité nationale. Et cela veut dire une chose très précise. Nous français, nous pensons que notre projet national, c'est la République. Et la République, c'est un ensemble de valeurs.
J'ai parlé tout à l'heure de la priorité à l'école : elle est fondamentale. (...) C'est l'école de la République qui a fait la Nation France, l'unité nationale (parce que les Bretons, les Basques etc...). "La France est éternelle" c'est une plaisanterie. Le terme même de Nation date de la Révolution française.
La République, c'est un projet de justice sociale - cela a réuni la droite et la gauche dans le Conseil National de la Résistance : les services publics ; la sécurité sociale. C'est une idée de la laïcité (à laquelle d'ailleurs Nicolas Sarkozy n'a rien compris), qui est une laïcité de tolérance, mais qui est en même temps une laïcité qui doit permettre une séparation très précise de la sphère publique et de la sphère privée.
C'est un ensemble de valeurs qui constitue la France. Ce sont des livres ! Quand je l'ai entendu [Sarkozy] attaquer La princesse de Clèves, je n'ai pas compris. Nicolas Sarkozy dit quand même que pour enseigner La princesse de Clèves, qui me semblait être un élément de la culture française, il faut être soit un imbécile, soit un sadique. Cela a du faire plaisir à beaucoup de gens.
On l'a vu mettre au-dessus de l'instituteur le rabbin, le curé, l'imam. Quelle méconnaissance de ce qui fait notre communauté nationale et nos valeurs partagées.
Les promesses républicaines trahies de Nicolas Sarkozy
Le débat [sur l'identité nationale] a pris mauvaise tournure, et je vois pourquoi. Il y a chez Nicolas Sarkozy deux veines.
Il y a une [première] veine, et c'est celle pour laquelle les français ont voté : c'est les discours républicains de Mr Guaino. Il [disait] : "la promesse républicaine n'est plus tenue dans ce pays" (parce notre pays ne vit pas une crise d'identité nationale : il vit une crise précisément de l'esprit républicain - et Mr Sarkozy y participe). ça il l'a bien dit dans la campagne. Il a dit : "il y a trop d'écart entre les valeurs de la République, et la réalité que vous vivez" (dans les banlieues, sur le terrain etc.) ; et "moi je suis l'homme qui veux faire bouger la France, pour faire que ça marche ensemble". J'ai trouvé que c'était un bon discours, et une majorité de français ont pensé que c'était juste, et lui ont donné sa chance.
Et il y avait un deuxième discours, qui était déjà "le mouton égorgé dans la baignoire", le "ministère de l'Immigration et de l'identité nationale", [discours] qui s'adressait électoralement à d'autres.
Le problème, c'est qu'il a échoué sur la promesse républicaine (je parlais tout à l'heure de la sécurité, je parlais de l'école), et que aujourd'hui il revient [à] ce discours inacceptable, qui n'a jamais été pratiqué dans notre pays, où on lie identité nationale et immigration.
Donc je crois qu'il faut qu'il revienne, dans les jours qui viennent, à sa fonction de président de la République française.
De faux débats, écrans de fumée pour masquer le principal
Aujourd'hui, la France a augmenté son chômage de 25%. On nous annonce 50.000 personnes qui vont être privées d'emploi en plus ; c'était le cas le mois passé. Tous les instituts de conjoncture nous disent que au moins le premier semestre 2010 va être encore pire. Dans ma circonscription (...) je vois des familles entières dévastées, par centaines. On parle de 50.000 personnes, ce sont des hommes et des femmes de chair. Et on voudrait que le débat français ne porte pas là-dessus, qui est l'essentiel pour notre pays, mais porte sur la burqua - moins de 400 personnes (...) -, ou porte sur 4 minarets en Suisse ! C'est là que je dis il faut s'arrêter. Si nous aimons notre pays, si nous nous respectons nous-mêmes, si nous venons effectivement de cette tradition qui va de Descartes à d'autres : posons les vrais problèmes ; traitons-les avec sérieux.
La France continue - et c'est des autorités administratives indépendantes comme La Hague qui le disent - de ne pas traiter bien tous ses enfants. C'est là l'effort que nous avons à faire (...). Sachez qu'aujourd'hui, dans les quartiers sensibles - sur lesquels Mme Fadela Amara n'a rien fait ; que ce gouvernement a abandonnés ; dont on nous dit qu'il peut y avoir encore des émeutes urbaines bientôt ([dixit] le Maire de Clichy sous Bois, cette semaine) -, sachez que dans ces quartiers, 50% des jeunes sont sous le seuil de pauvreté. Est-ce que c'est la France que nous aimons ? Est-ce que c'est la France que nous voulons ? Cela justifie aussi le rassemblement ; la France doit se remettre en mouvement, retrouver sa grande tradition, être plus généreuse, et plus efficace aussi dans sa [inaudible].
La Nation, un organisme vivant
Il en est d'une Nation, comme d'un organisme, ou d'une psychologie. On enseigne à tous nos enfants (les vôtres, nos élèves, ceux qu'on doit élever comme dit la République - pas abaisser, en les amenant toujours à voir ce qui n'est pas beau) ; on leur dit une chose simple : "vous savez, un organisme il est vivant tant qu'il a des échanges avec l'extérieur. Et la mort c'est ne plus avoir d'échanges avec l'extérieur". Mais on leur enseigne aussi qu'il faut assimiler (échanges avec l'extérieur, la nourriture que je vais manger). Mais il faut aussi s'adapter, on leur a enseigné ça. C'est à dire que l'on se transforme - c'est un processus.
C'est d'ailleurs ce que le grand historien Braudel dit de la France : il dit "la France c'est des additions", "la France c'est quelque chose qui est une identité qui se met toujours en question". C'est un processus. Et le jour où le processus s'arrête, la France est morte. Eh bien cela vaut pour notre Nation. Et donc nous avons à inculquer (c'est le rôle de l'école, c'est le rôle de nous tous) des valeurs qui sont nos valeurs communes (y compris dans nos comportements - parce que la tradition française, c'est l'exemplarité : tenir sa parole, se comporter bien). Nous avons à inculquer ces valeurs, et nous avons nous aussi (notre pays, nous-mêmes) à évoluer.
Dans la tradition française, on oppose nationalisme et patriotisme. Ce débat est né à la fin du XIXème siècle, nous sommes des patriotes. Mais les valeurs patriotiques, c'est la France soldat de l'universel, c'est la France qui est capable dans la Révolution française de naturaliser des étrangers en disant : "ici, du moment où nous partageons des valeurs, nous vivons ensemble". Alors il faut accepter ces valeurs, il faut se comporter bien, il y a des règles à respecter, mais c'est notre tradition.
Moi j'avoue que je suis déçu du fait que le Rassemblement que vous pronez comprenne un soi-disant "centre" dont on peut penser maintenant que la partie gauche n'est que théorique et réellement inexistante (ou réduite à la portion symbolique)
et la partie droite théoriquement inexistante est bel et bien réelle.
Rédigé par : Lucn | 11 décembre 2009 à 18:38
A mon tour de manifester mon immense déception quant au soutien de Vincent Peillon à Georges Frêche : ce dernier a quand même parlé de sous-hommes et peu m'importe qu'il n'ait visé qu'une personne, ou dix, ou cent. C'est le terme lui-même qui est absolument scandaleux !
Je vois bien ce qui conduit Vincent Peillon à ce soutien (je connais suffisamment le midi pour savoir que le racisme est loin d'y être absent et il pense qu'il faut bien composer avec Frêche pour éviter pire). Mais , hélas, on se retrouve alors dans ce que la politique a de plus glauque : quand celle-ci divorce des valeurs qu'elle prétend défendre !
Une question donc : comment, après ce soutien, Vincent Peillon peut-il continuer à se battre de manière crédible contre la politique de Sarkosy/Besson ?
Rédigé par : Marie-Françoise Legrand | 09 décembre 2009 à 19:49
Georges Frèche a quand même déclaré : « Dans cette équipe, il y a neuf blacks sur onze. La normalité serait qu’il y en ait trois ou quatre. Ce serait le reflet de la société. Mais, là, s’il y en a autant, c’est parce que les blancs sont nuls. J’ai honte pour ce pays. Bientôt, il y aura onze blacks. »
J'ai honte pour lui et pour le soutien que le PS lui apporte.
Dommage que Vincent Peillon soit un de ses fervents soutiens.
J'ajoute qu'a 71 ans, il aurait pu laisser la place à un jeune, à une femme pourquoi pas, et à une jeune femme noire.
Rédigé par : Jean-Christophe | 09 décembre 2009 à 09:47
Relevé d'une partie des propos de Vincent Peillon ici :
http://antennerelais.canalblog.com/archives/2009/12/07/16070139.html
Rédigé par : antennerelais | 08 décembre 2009 à 02:14
Il faudrait que quelqu'un s'occupe de mettre la vidéo quelque part car cette intervention de presque une heure, diffusée sur LCI, était vraiment admirable.
Rédigé par : antennerelais | 07 décembre 2009 à 23:57
Je réitère mon immense déception au soutien à Georges Frêche quant à ses propos sur les sous-hommes. Tout le reste d'accord à 100% dans l'esprit et la forme, mais je coince sur ce point de manière brutale.
Rédigé par : olivierM | 07 décembre 2009 à 13:24