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03 février 2010

Commentaires

André

Merci Vincent Peillon pour avoir posé le débat sur l'enseignement supérieur, systématiquement occulté par l'ensemble des formations politiques.

Ce débat en politique est en effet en général tabou ou biaisé, car la Droite soutient implicitement pour des raisons idéologiques les Grandes Ecoles, et la Gauche explicitement l'Université, à l'exception bien sur de la future élite (de droite ou/et de gauche) qui se retrouve sur les mêmes bancs à l'ENA.

Je suis convaincu que le système dual "Grandes Ecoles/Université" est la source d'immenses frustrations dans l'entreprise, et peut en partie expliquer le chômage structurel français.

Mettre plus de moyens et d'excellence dans une université plus diverse et plus sélective. C'est en effet une grande ambition mais il ne suffit pas de le proclamer, car les corporatismes des deux bords vont s'allier pour résister à ce changement radical et salutaire.

Le mot "sélection" ne doit plus être tabou dans l'Université qui doit cependant multiplier les critères de sélection et les passerelles entre filières pour reconnaitre la diversité des étudiants. Si on arrive à allier les deux, on aura gagné le pari de la formation, et le pays en sortira gagnant.

Loïc

@ Clément Télécom :

Venant d'une université, je vous assure qu'elles sont aujourd'hui nombreuses à élargir leur catalogues de matières enseignées. Par exemple, en biochime, j'ai eu également du droit, de l'économie, de l'informatique, de la communication.
De plus, si aujourd'hui les grandes écoles forment les ingénieurs, il se trouvent que bon nombre d'entre eux finissent par revenir à l'université pour faire une thèse et se lancer dans la recherche (Il se trouve que c'était leur choix depuis longtemps mais l'université souffre d'une telle mauvaise image qu'il vaut mieux s'assuré d'un diplôme d'ingénieur, quitte à revenir à l'université après).
A cette étape là (bac+5), la concurrence se fausse : il m'est arrivé de voir des places de thèses refusées à des universitaires pour les offrir aux élèves issues des grandes écoles.
Il est d'une extreme urgence de stopper cette concurrence malsaine, source d'inégalités ahurrissante, entre deux catégories d'élèves qui ont les mêmes mérites. Je soutiens à 100 % la proposition de rapprochement entre les GE et les universités.

Clément  Télécom ParisTech

Cher Vincent Peillon,
Je vais aussi mettre mon petit grain de sable. Je suis d'un avis extrêmement partagé sur le sujet étant ce qu'on appelle dans le jargon un AST2 (=titulaire d'une maitrise admis en 2nd année dans une école d'ingénieur). Le problème me parait extrêmement complexe du fait de la grande diversité des situations dans l'enseignement supérieur pour qu'on y apporte une réponse aussi simple que la suppression des Grandes Ecoles. Je suis personnellement favorable à un rapprochement entre les Grandes Ecoles et les universités (qui, il me semble, est déjà partiellement à l'oeuvre) et à l'incorporation des CPGE dans les universités. Je m'explique: aujourd'hui les prépa vident littéralement les filières scientifiques des universités et sont un lieu de sélection dont la punition ultime est le bannissement (vers la fac). Dès lors, premièrement l'université est faiblement valorisé (c'est LA sanction ultime) secondement il n'existe aucune possibilité de rattrapage pour d'éventuelles "erreurs de jeunesse" ou "passages à vide". L'intégration dans les universités permettrait une meilleure connaissance réciproque des deux milieux (universitaire et CPGE) et de leurs pratiques respectives. Cela permettrait aussi le partage d'un certain nombre d'enseignants, et la mise en place de passerelles (à double sens) dédramatisant l'échec en prépa et levant certaines peurs de l'université. Cela pourrait faire remonter le nombre d'étudiants dans les filières scientifiques universitaires, et pas seulement avec des recalés de prépa, mais aussi avec des étudiants moins effrayés par le côté « cul de sac » de l'université (au sens impossibilité/improbabilité d'accéder à une Grande Ecole). Ne connaissant pas la pertinence ni l'efficacité de l'enseignement des prépa je ne me prononcerais pas sur les délicieuses méthodes employées et sur l'intérêt de leur poursuite. Cela est un autre débat d'ailleurs. Vient le second point: pourquoi suis-je opposé en l'état actuel de mes connaissances à la suppression des Grandes Ecoles? D'après mon expérience, elles ne forment pas du tout de la même manière que les universités! L'université a tendance à aller au fond des sujets mais à explorer moins de domaines, alors que les Grandes Ecoles passent en revue énormément de sujets sans pour autant y consacrer beaucoup de temps. Autre différence, les Grandes Ecoles ont une diversité dans les cours dispensés beaucoup plus grande. Par exemple j'ai du droit, de la culture générale ce qui à l'université n'est pas envisagée pour une filière scientifique (Pour des raisons budgétaires notamment). Et le nombre de matières scientifiques est très grand comparé aux choix offerts par mon ancienne université. En fait la formation de l'université est complémentaire de la formation des Grandes Ecoles, elle forme des chercheurs et des techniciens du supérieur (avec les IUT) mais pas vraiment des ingénieurs. Bref, la fusion: éventuellement, mais sur du long terme ; la suppression: mauvaise idée à mon avis.
Pour finir sur les 30% de boursiers, j'ai pu constater qu'en niveau M1 les boursiers ne sont pas légions non plus. A mon avis le problème vient du collège et du lycée plus que du supérieur (mais cela ne nous aide pas vraiment à trouver une solution pour permettre aux jeunes issus des classes les plus pauvres d'accéder aux études supérieures). Je suis persuadé qu'un rapprochement et la créations de passerelles entre ces deux mondes serait très profitable à tous (je prêche pour ma paroisse en disant cela, mais en toute sincérité). Pour les filières littéraires je n'ai pas de compétences pour en parler, mais je pense qu'il y a matière à discussion là aussi. Vaste sujet que l'enseignement supérieur!

PS: petite anecdote sur les finances des universités: lors de ma première année de licence (maths-info)l'anglais a été annulé (validé pour tous) faute de budget suffisant. Je viens pourtant de Paris 7 qui est une fac relativement importante.

Serge Schwartzmann

Cher Vincent Peillon,
Je viens de lire votre chronique proposant la suppression des Grandes Ecoles et je tiens à vous apporter mon soutien total. J'ai lu les remarques outrées des différents commentateurs : étant eux-mêmes passés par ces écoles, il est un peu normal qu'ils défendent le système qui les a certainement propulsé sur le devant de la scène socio-économique nationale.
Les arguments contre votre proposition sont de plusieurs ordres :
-il est faux de dire que les Grandes Ecoles disposent d'un budget ou de moyens plus importants que les universités,
-les Grandes Ecoles fonctionnent très bien et forment des professionnels ultra-compétents dont la France a besoin, donc ne cassons pas un système qui fonctionne,
-les inégalités produites par le système éducatif sont loin de provenir des seules Grandes Ecoles,
-les Grandes Ecoles participent à la recherche de manière très efficaces,
-il est faux de dire que les Grandes Ecoles sont réservées à une élite
Je ne vais pas contredire ces arguments, ils sont tous admirables. Il est vrai que le système des Grandes Ecoles fonctionne bien, et forme des professionnels de haute qualité qui participent aussi à la recherche. Il est même vrai que certains élèves viennent de milieu populaire ou de classe moyenne, mais leur pourcentage est faible voire très faible et tend à décroitre (je n'ai pas les derniers chiffres). Donc même si on peut dire que les grandes écoles ne sont pas réservées à une élite, s'il s'agit là d'un sophisme car l'élite y est très majoritairement représentée.
Le problème n'est pas là. Ce ne sont pas de faux arguments, juste des arguments qui ne correspondent pas à la question posée, de savoir s'il faut supprimer le système double université-Grandes Ecoles. Or ce système - s'il n'est pas responsable de toutes les inégalités du système éducatif national qui ont des causes plus complexes - est celui qui imprime sa marque sur toute la pyramide éducative en imposant une barrière invisible entre 'bons' lycées à prépas et les 'autres' lycées sans prépas, en séparant 'bons' collèges qui permettent d'accéder aux 'bons' lycées et collèges 'moins bons' qui ne le permettent pas, et ainsi de suite pour certaines écoles primaires. Celui qui refuse de voir cette réalité se leurre totalement. Il impose la compétitivité et la sélection très tôt et est en partie responsable des inégalités du système qui fonctionne de fait à plusieurs vitesses. Et il n'est pas sûr que d'avoir un tout universitaire puisse changer quoi que ce soit à cette tendance de fond qui se reporterait immanquablement sur la sélection à l'entrée des meilleures universités.
Le problème n'est pas seulement un problème de budget. Il faut comparer un tout, et je propose à nos amis X et autres de comparer un étudiant de leur école à un étudiant d'une université classique. Mais il faut tout comparer les coût par élèves, mais aussi les locaux et les moyens disponibles, la qualité de l'enseignement, etc.
Je ne pense pas non plus que le problème soit celui du passage du public au privé. Pourquoi obliger un ex-élève d'une Grande Ecole publique à travailler toute sa vie dans le public? La 'trahison' des élites passant d'une administration à une entreprise privée pourrait facilement être réglée en revenant sur le décret de 2007 qui réduit le temps de 'pantouflage' de 5 ans à 3 ans.
Le problème n'est pas la compétitivité en soi, il réside dans le fait même d'avoir un double système financé en grande partie par les deniers publics, et dans l'inégalité de traitement et de condition des étudiants qui intègrent l'une ou l'autre composante de ce système. Le constat sur lequel il est difficile de s'opposer sérieusement est que l'Etat finance un système inégalitaire dans lequel les Grandes Ecoles trustent une grande majorité des meilleurs élèves (les universités ne gardent que quelques brillants et rares étudiants très motivés pour un lot d'étudiants moyens), les meilleurs enseignants (qui peuvent aussi enseigner à l'université mais qui viennent en bloc donner des cours pour le prestige), des investissements en matériels et locaux sans commune mesure avec ceux des universités, un coût global par élève très élevé (il faudrait intégrer le coût par élève d'une année de prépa bien supérieure à celle d'une année universitaire moyenne, les chiffres exacts sont à chercher). Sans compter les meilleures chances de placement à la sortie des élèves de Grandes Ecoles - quelque soit les qualités et les compétences - en utilisant le réseau des anciens qui pratique largement la cooptation et le copinage dans le même corps et qui 'court-court-circuite ' allègrement tous les autres candidats qui ne sont pas du sérail (quelque soit leurs qualités et leurs compétences).
Les problèmes induits par ce système me paraissent être doubles. D'une part il dévalorise de fait l'université. Quelque soit la valeur (réelle) des enseignants et des diplômés de l'université, ils entrent difficilement en compétition avec les personnes sorties des Grandes Ecoles car d'emblée les CV, les diplômes et la valeur propre d'un universitaire seront jugés dans la plupart des cas inférieurs - presque par principe - à ceux d'un élève venant d'une Grande Ecole. Le recrutement au diplôme ou au 'profil' et non selon les qualités réelles de la personne (on le voit avec les testing de faux CV 'maghrébins' ) est d'ailleurs une tare du système national à laquelle il va être difficile de remédier. Cette dévalorisation est encore accentuée par une élite, formée aux Grandes Ecoles, qui très souvent méconnait et méprise l'université où elle ne veut surtout pas envoyer ses enfants.
D'autre part et surtout, avec une sélectivité à l'entrée très grande, une reproduction sociale et une cooptation importante il n'est pas étonnant de voir les plus hauts postes des administrations et des entreprises publics comme privées occupés en majorité par des personnes sortant de ce système. Mais si dans les administrations et autres postes à responsabilité les ex-élèves de l'ENA, de Polytechnique, des Ponts et autres sont remplacés par.... d'autres ex-élèves de l'ENA, de Polytechnique, des Ponts, nous allons vers la catastrophe programmée de la pensée unique. Un beau consensus entre experts et hauts fonctionnaires, tout le monde étant d'accord car tout ce beau monde est passé par le même moule. Là où il faudrait de l'inventivité, de l'imagination et de l'audace pour trouver des solutions innovantes pour l'avenir, nous aurons et nous avons déjà du conformisme, du déjà-vu et de la révérence comme aujourd'hui quand on essaye de nous vendre de vieilles recettes néo-libérales élimées pour le paradigme du progrès et de la nouveauté. Bien sûr on rétorquera qu'il existe des diplômés de Grandes Ecoles qui ont gardé leur part de liberté et de créativité. Mais dans un système qui impose une suradaptation pour pouvoir réussir souvent au détriment des autres, ces personnes sont vouées à être très minoritaires.
Et tous les conseillers du président d'applaudir quand celui-ci impose une réforme universitaire décriée par les universitaires, une réforme de la justice décriée par les juges, une réforme de l'école décriée par les enseignants, une réforme de l'hôpital décriée par les médecins et les infirmiers, etc.
La France va mal, ces élites en sont en grande partie responsable parce qu'elles se renouvellent de manière insuffisante et tournent en rond dans un cadre de pensée étroit. Changeons donc le système... Mais avant l'urgent est de ne pas démolir le lycée et le collège. Nous vous attendons plus clairement et plus vivement sur ce sujet.

SPQR

@ Joe

Mais, je pense que nous ne vivons pas dans le même monde : d'une part parce que l'autonomie financière des universités est effective pour faciliter les partenariats public-privé entre autres mais aussi favoriser la concurrence des établissements. Ainsi, rien n'empêche les universités d'ajouter aux subsides de l'État des subsides privés! Il me semble qu'il y a eu des lois, qui ont fait grand bruit même, il y a peu. Je vous laisse vous renseigner. Cela répond au nom de LRU, si mes souvenirs sont bons...

Mais il y a des dérives car on peut observer aussi une privatisation de l'enseignement universitaire qui se spécialise beaucoup trop dans un domaine susceptible d'intéresser les industries implantées dans son bassin et l'université perd sa vocation généraliste. Sans compter que, se voyant grassement payée par certaines entreprises privées, l'université met en place des formations adhoc... ça laisse rêveur. Donc, il faudrait, cher ami, que vous-même et que les politiques aillent mettre vraiment leur nez dans le fonctionnement actuel d'une université pour s'apercevoir de la réalité de ses ressources financières.

Enfin, cela condamnerait-il les filières improductives au non financement ou à la pauvreté? Je ne parle là ni des arts plastiques ni de la musique qui, on ne sait pourquoi, reçoivent des subsides facilement de la part des collectivités, d'entreprises ou de fondations privées (ça ne les rend pas riches pour autant, mais seulement aimées des riches : panem et circenses). Mais je parle davantage des lettres, de la philosophie et de l'histoire qui sont, il faut le dire, les parents pauvres de ce passage à la moulinette de l'université aux lois de l'échange capitaliste. Est-on si aveugle que l'on ne soit pas capable de voir qu'il y a d'autres logiques à l'oeuvre dans une société et qu'il est toujours extrêmement périlleux d'en faire primer une labellisée 'pensée officielle' au détriment du pluralisme intellectuel, de la vie de l'esprit et de la respiration sociale. Même les universités américaines ne font pas ça, où la philo, les lettres et l'histoire ont leur place. La France est donc bien encore et une fois en tête d'une forme de collectivisme mental prête à devenir le pays le plus bête du monde... "Je suis contre la pensée unique" qu'il disait, et ben mon bon, quelle pensée unique il nous a finalement fichue, et ce n'est pas la moindre de ses tromperies.

Laurent

Je m'excuse, mais j'ai constaté une grave erreur orthographique de ma part que j'aimerais corriger : "Les .... relèveNT...."

Laurent

Monsieur Peillon,

Je ne suis qu'un petit professeur des écoles... Si certains éléments de votre discours sont de fait une réalité, telle l'injustice en terme de dépenses entre grandes écoles et universités, vos conclusions me paraissent un peu précipitées...

La panne grave de l'ascenseur social relève avant tout du système éducatif en amont... bien en amont. Certes, à une époque, l'Ecole se parait des ornements de l'élévation sociale, quoique en statistique il faille relativiser, d'autant que les facteurs conjoncturels de l'époque impliquait pour certains une élévation sociale, du fait des besoins économiques... Notons néanmoins que cette élévation sociale se fit aussi malgré une scolarité alors chaotique.

Nul ne peut décemment croire que cette panne est du fait des grandes écoles.

La disparité entre les moyens n'implique pas que l'une doive disparaître... mais plutôt qu'on remette à plat le mode de financements, non pour appauvrir les grandes écoles, mais plutôt pour amener à un même traitement les universités. Que ce financement soit aussi le fait d'une réelle contribution de chacun en fonction de ses moyens.

Quant à l'ascenseur social, la question se pose bien avant. L'analyse des CSP entre collège et lycée montre déjà qu'à ce niveau, il y a injustice. Les statistiques des examens ou même des redoublements en primaire déjà révèle des différences sociales.

Joe

Je me permets juste une petite remarque purement factuelle. Dans de nombreuses écoles, "l'ordinaire" est amélioré par des contrats de recherche, des partenariats, ... avec le monde de l'entreprise. Par conséquent, supprimer les écoles pour récupérer leurs moyens (en caricaturant votre position) ne permettra pas de récupérer cette part, qui peut représenter plus des 3/4 du budget d'une école. En admettant que vous récupériez également une grande partie des élèves desdites écoles (ceux qui ne seront pas partis étudier à l'étranger dans des filières de qualité par manque de moyen), vous ne gagnerez pas un euro par élève.

A mon sens, l'université trouvera son salut dans le développement de partenariat avec les entreprises privées dans la recherche et dans des chaires d'enseignement. Malheureusement, pour ce faire, il faut garantir une certaine autonomie aux universités, tant de gestion que d'enseignement. Et je suppose (peut être à tort mais détrompez moi) que ce genre de solutions n'a pas beaucoup d'attraits à vos yeux.

Minesman

Monsieur Peillon,
Permettez-moi d'être surpris de me voir censuré sur mon ajout d'un point complémentaire qui n'a rien d'insultant ou d'irrespectueux envers vous, mais qui montre que vous ne vous êtes peut-être pas documentés suffisamment sur le dossier.

Je retente une troisième et dernière fois d'écrire ce message en espérant que vous aurez l'honnêteté intellectuelle de me laisser m'exprimer - n'est-ce pas là le principe même d'un blog d'être une version moderne des débats antiques sur la place publique - .

Comme je le disais donc, comment peut-on décemment affirmer comme vous le faites que les Grandes écoles négligent la recherche.
Outre le fait que les écoles dites "groupe A" ont une recherche jugée très performante par l'AERES, veuillez noter Monsieur Peillon que l'Ecole Polytechnique, bastion de l'excellence républicaine, conclut chaque année près de 20 millions d'euros de contrats de recherche en partenariat avec le monde industriel, ce qui - il me semble - est loin d'être négligeable.
Quant aux Mines auxquelles j'appartiens, école lilliputienne, ce sont là près de 28 millions d'euros de contrats de recherche qui sont conclus! Ce qui relativise d'une part votre affirmation, et d'autre part montre que le dynamisme d'une recherche ne dépend pas seulement de la taille de ses labos.

Je vous conjure de mieux vous renseigner - ou bien de mieux argumenter vos propos en invoquant des éléments tangibles - car vous risquer de vous mettre à dos - vous et le PS plus largement - une large partie de la communauté des grandes écoles dont la plupart y a eu accès de façon extrêmement méritante comme fruit d'un travail intensif de 2 ou 3 ans..


Je profite de ce message pour répondre à l'ami HEC, qui semble regarder de haut nos apports d'ingénieurs, alors que lui-même prétendant soutenir plus ou moins tacitement les "fusions" appartient à l'école qui par excellence refuserait de se mélanger à une rivale comme l'Essec...
Je ne lui conseillerais dans un premier temps que d'éviter ce regard condescendant avant de juger la grandeur de notre orgueil.

Mais je préfère en venir au fond.
Sache très cher HEC, que pour te répondre, en termes de débouchés, tu verras dans l'enquête emploi de mon école que seuls 12% des diplômés s'engagent vers la banque/finance/assurance. J'irai même jusqu'à préciser qu'en 2008, ce ne sont que 4 élèves qui ont choisi l'option de spécialisation "finance quantitative"! Quant aux Ponts qui ont une filière extrêmement attractive de finance, ce sont toujours environ 30% qui s'engagent en finance (je n'ai pour les Ponts pas les chiffres les plus récents alors j'attends éventuellement rectification de l'intervenante ponteuse).

J'en reviens à ton premier paragraphe sur l'attractivité et la situation des "talents".
Tu es en train de nous signifier que sous prétexte que nous ayons un "ranking" des établissements d'enseignement supérieur, il faudrait abolir les écoles qui ont acquis une réputation d'excellence et qui attirent donc toujours une population brillante? On détruit donc l'excellence pour favoriser quoi ? Un niveau "mixé" comprenant bons et moins bons élèves ? Je ne pensais quand même qu'on fustige de la sorte Harvard, Columbia, McGill, le MIT, Caltech, Oxford ou la LSE sous prétexte qu'elles attirent les meilleurs étudiants et parviennent donc à perpétuer de décennie en décennie l'avènement de ces formations d'excellence?
Par la suite, tu en viens à nous accuser d'avoir dit qu'il n'y a pas de bons élèves en université! Je trouve qu'il s'agit d'une extrapolation bien grossière de la part de quelqu'un à qui on apprend à rédiger des notes de synthèse objectives et justes. Je répliquerai alors en te disant qu'affirmer qu'au sein d'une promotion universitaire, tu as statistiquement moins de chance de tomber sur un "très bon élève" qu'en grande école, ne signifie absolument pas qu'il n'y a pas de très bon élève en université!
Simplement, sous prétexte d'un objectif d'universalité de l'accès à l'enseignement supérieur, l'université accueille sans sélection une ribambelle d'élèves qui, comme je l'ai dit, ne sont pas armés pour entrer dans le supérieur (pouvoir être admis avec 10,5 au bac me semble assez délicat, quand on en voit le niveau actuel).
Car s'il n'y a pas que les grandes écoles qui fournissent les chercheurs de demain - ce qui est évident -, je te ferai remarquer qu'une école lilliputienne comme les Mines accueille quelques 460 doctorants (soit plus que la population du cycle "Grande Ecole" ), 505 pour Polytechniques...

Par la suite tu nous expliques que ce sont les ambitieux qui font prépa. Parce que tu considères qu'il ne faut pas avoir une once d'ambition pour envisager finir chercheur et devoir donc s'investir dans 9 ans de formation académique?
Je ne comprends pas là ton point. Tu assimiles l'ambition à un mal qu'il faudrait apprivoiser en proscrivant les filières sélectives d'excellence?

J'ai envie de croire que tu es certainement au moins aussi naïf que nous, à assurer que l'école n'apporte qu'un réseau...
Je t'encourage à voir le volume horaire d'un étudiant d'école d'ingénieur ...Alors certes, le niveau d'exigence n'est plus du tout comparable à celui de la prépa, mais il y a une nécessité d'avoir 10 pour valider, ce qui - si je ne m'abuse - est aussi l'exigence universitaire... Si tu crois qu'un élève de prépa scientifique est armé sur le marché du travail avec les seuls cours théoriques acquis en prépa, il va falloir remettre les pieds sur terre...

Car d'ailleurs si le problème ne vient que de la recherche, autant rappeler tout de suite que le principe de regroupement des centres de recherche sur Saclay vise justement à remédier à cette isolation des différents centres de recherche. Pour autant, si l'existence d'une "marque commune" permet une visibilité à l'étranger, il n'en demeure pas moins incompatible de garder ce système de Grandes Ecoles, qui encore une fois, constitue une voie méritocratique d'accès à l'excellence académique au travers d'un concours, qui s'il peut apparaître inégalitaire, doit nécessiter une intervention étatique pour soutenir ceux qui pourraient être lésés dans sa préparation.

Bien Cordialement - du moins en espérant que vous ne ferez pas preuve de censure ... -
Le Même Mineur

Richten

Il est assez étonnant de voir la quantité de messages provenant d'étudiants en école d'ingénieur, qui se sentent vexer dans leur orgueil.
Sachez messieurs que même si dans les écoles de commerce, nous n'avons qu'une culture digne de l'honnête homme, nous pouvons comprendre la remarque de Mr. Peillon. En effet, ce ne sont pas les écoles qui fournissent les espoirs de la recherche française, mais ce sont les espoirs de la recherche française qui font les écoles. Qu'HEC, Polytechnique ou même les Mines de Paris, vampirisent tant les bêtes à concours, repose simplement sur le pouvoir d'attraction de ces dernières. Prestige fondé sur toute une hiérarchisation bien française des établissements ancrés dans les esprits de chacun.
Je suis d'accord en grande partie avec votre analyse, beaucoup moins avec le flot d'arguments faciles de mes camarades écoliers, qui bombent le torse, affichant fièrement leur médaille scolaire, oublieux parfois de la qualité de nombreux élèves de la faculté. Car fort heureusement l'X, les Ponts ou les Mines ne sont pas les seuls viviers à chercheur français (combien d'ailleurs y étudient la finance?).
Cependant le vrai problème n'est il pas la faculté de résistance de ces élites provenant de ces mêmes écoles ainsi que le reflèxe instinctif de bon nombre d'étudiants? Car, si ce ne sont pas les plus brillants qui vont en classe préparatoire ce sont souvent les gens les plus ambitieux, ou du moins les plus décidés. Je suis d'accord avec la remarque faite par mon camarade des mines. Ne faudrait-il pas davantage se tourner vers un modèle professionnalisant à l'allemande? certes, nous ne pouvons renoncer au collège unique, cependant il serait, dans l'optique du maintien d'une activité industrielle compétitive dans l'hexagone, judicieux de former une main d'oeuvre hautement qualifiée, qui manque cruellement à notre pays.
LEs remarques naïves de mes camarades montrent cependant une chose: l'image de l'université doit changer, et cela représente une vraie difficulté, car elle doit constituer un défi pour les ambitieux, tel que l'est le fameux concours que tous nous avons passé. Changer son image, pour attirer les meilleures élèves. Car sincèrement, le travail effectué dans les grandes écoles d'ingénieur ou de commerce, pose la question de la sélectivité même, tant les élèves sont sous exploités! Preuve si il en est que les élèves sont la clé, ce sont eux les talents, la plus value de l'école est en soit peu importante, car elle est avant tout une marque, un réseau et même tout une série de codes sociaux propres.
C'est parce que le changement voulu est trop radical que je ne cautionne pas ces déclarations même si dans le fond, la dualité université/grande école est un problème. La transformation des grandes écoles en université, dans un mouvement lent, par regroupement des écoles, comme Paritech, est, me semble-t-il une voie intéressante. Car il ne faut pas faire disparaître ces monstres sacrés de l'éducation nationale française, il faut les intégrer, dans leur spécificité, pour espérer faire bénéficier l'université de leur attrait, tout en aidant à la professionnalisation de ceux que les études supérieurs n'intéressent pas.

Un HEC

pontsgirl

Monsieur Peillon,

Je suis profondément étonnée et déçue de lire votre position sur les grandes écoles.Certes, les universités manquent de moyen, et le taux d'échec y est affligeant, mais croyez-vous vraiment que la solution soit de supprimer les formations d'excellence qui nous fournissent nos plus grands scientifiques et nos meilleurs chercheurs?Ne croyez-vous pas que supprimer les grandes écoles reviendrait une fois de plus à niveler par le bas l'éducation?
Nous sommes, M Peillon, à un tournant de l'histoire, les scientifiques vont devoir trouver les solutions pour contrer le réchauffement climatique, croyez-vous que ce soit le moment de supprimer ce qui nous permet, en France, d'avoir des chercheurs parmi les plus brillants?
Il faut arrêter de dire que les grandes écoles sont réservées à une élite, c'est faux.Je suis moi-même issue d'une famille modeste, où personne ne connaissait l'existence de ces filières, et ceci ne m'a pas empêchée, grâce à la compétence de mes professeurs du secondaire, d'accéder à l'une des meilleures écoles d'ingénieur française.
Sachez qu'accéder à ces formations ne coûte pas plus cher que d'être à l'université, et que tout élève ayant d'assez bons résultats peut y entrer.
Le problème de l'université est que tout le monde peut y aller, or, il est évident que certains étudiants n'ont ni la capacité ni l'envie d'y obtenir un diplôme.
Alors, arrêtons de chercher des problèmes où il n'y en a pas, et occupons-nous de ce qui ne fonctionne pas, car même avec l'argent des grandes écoles, le système universitaire français à l'heure actuelle ne fonctionnerait pas mieux.

En espérant ne pas être censurée,

Une élève des Ponts

Minesman

Je me permets de rajouter qu'affirmer que la recherche en grande école est négligée me paraît totalement non documenté de votre part!
Vous êtes-vous au moins renseigné sur l'importance des partenariats de recherche avec le monde industriel d'écoles qui sont pourtant minuscules comme les Mines?

Bien cordialement

Minesman

Cher Monsieur Peillon,
Je ne pensais pas qu'il s'agissait d'une idée commune de gauche - après Richard Descoings - de vouloir abattre le dernier bastion de l'excellence et la méritocratie républicaine.
Ayez au moins la décence de reconnaître que les grandes écoles d'ingénieur fournissent de brillants cadres de l'industrie qui sont absolument vitaux à la survie de l'industrie et la recherche appliquée française.

Alors quoi, on va tirer sur ces "brebis galeuses" que sont les très grandes écoles qui ont le culot de "truster" les postes à responsabilité (alors que peut-être c'est parce que statistiquement elles constituent un regroupement d'individus brillants)? Tirons donc sur des siècles d'histoire pour proposer encore une fois comme solution de "niveler par le bas" en ne faisant plus que des universités.

Car l'échec de l'université, ce n'est pas la qualité de leur cursus ou recherche (au contraire), c'est le manque de moyens qui est mis à leur disposition, ou alors la disproportion entre les moyens et les effectifs. Si on ne peut augmenter les moyens indéfiniment, c'est donc bien l'effectif des universités qui doit être revu.
Quand on voit les taux d'échec à plus de 50% (et je suis gentil!) entre la licence et le master, il faut juste admettre que tout le monde n'est pas fait pour les études longues générales et proposer des filières professionnalisantes alternatives (on a pour cela les BTS/IUT qui sont sélectives!) et ainsi rétablir une image de promotion de l'excellence universitaire.
Car ce n'est pas en accueillant des hordes d'étudiants perdus en facultés de sociologie - alors que les débouchés sont limités - qu'on parviendra à résoudre le problème d'attractivité de l'université.

Alors Monsieur Peillon, un peu de sérieux s'il vous plaît. Ne vous mettez pas à faire comme Monsieur Sarkozy de l'anti-élitisme primaire... ce qui est à blâmer, c'est l'échec de l'enseignement primaire et secondaire à former des générations d'élèves qui ont une orthographe irréprochable, des connaissances historiques et littéraires solides (sans pour autant être exhaustives), car ce sont ces seules connaissances qui sont espérées aux oraux des concours d'écoles de commerce; ce qui est à blâmer encore, c'est de laisser les universités être la "roue de secours" de n'importe quel étudiant perdu qui choisit son orientation par défaut sans être armé pour mener des études supérieures!
Enfin, ne blâmez pas les grandes écoles alors qu'il incombe aux gouvernements de développer des programmes de tutorat, de soutien individualisé, d'ouvertures de classes supplémentaires de classes préparatoires aux études supérieures, bref, de ne pas dévaloriser notre système méritocratique mais de soutenir les plus défavorisés socialement pour leur permettre d'avoir une vraie chance d'avoir accès à ces filières d'élite...

Un Mineur de Paris, qui espère ne pas être censuré...

Marc

Je suis d'accord, mais ce qui m'intéresse est la mise en oeuvre. Etant témoin/acteur des manoeuvres dans les consortiums d'écoles et universités, je vois que des mammouths sont en train de se créer. Comment gère on ToulouseTech, ParisTech, la fusion prochaine des Universités de Technologie (qui ne sont pas des universités) ? Comment faire quand ces gros établissements, parfois distribués géographiquement, se seront rebaptisés "universités de technologie et de management, et auront vampirisé les filières "rentables" de l'enseignement supérieur" ?
L'ENA c'est une choses ; mais là, c'est la création de gros groupes (bientôt multinationales ?) qui est en route. Il faut que la gauche n'énonce pas seulement des positions de principe, mais des processus de modification proposées, à partir de situations qui, en 2012, seront difficilement réversibles.

X-man

Cher monsieur Peillon,

Le fait que les énarques aient effectivement trahi la France qui les a grassement nourri n'implique pas la même chose pour les autres grandes écoles. Qui plus est, la question se pose : voulez-vous également supprimer toutes les écoles d'ingénieurs, ou uniquement les écoles les plus prestigieuses (celles qui fournissent à la France une grande partie de son contingent de chercheurs et d'ingénieurs hautement qualifiés) ?

Croyez-vous vraiment que nous devions nous conformer, coûte que coûte, au modèle américain ? N'y a-t-il pas mieux à faire, par exemple en dotant nos universités de moyens corrects et en y réduisant le nombre d'étudiants ? Car ce qui est en cause, ça n'est pas tellement la qualité de l'université que sa surpopulation. Dans un pays où 80 % d'une classe d'âge doit être amené au bac, de gré ou de force, il ne faut pas s'étonner que l'université, sans aucun "filtrage" à l'entrée, rencontre de gros problèmes. Quand seulement 10 % de ceux qui se présentent aux partiels de première année de médecine peuvent intégrer la deuxième année, on commence à se demander s'il n'y a pas là une première partie de réponse à vos propos...

Enfin, je comprends tout-à-fait que vous vouliez faire parler de vous, et c'est réussi. Avec mes camarades, nous avons un certain nombre de mots élogieux à votre égard, soyez-en sûr. Après tout, proposer que plus de deux cents ans d'histoire soient effacés d'un grand coup de baguette magique, juste pour se faire mousser, ça n'est pas donné à tout le monde. En tout cas, pas en étant sérieux.

Étiez-vous sérieux, monsieur Peillon ?

Un X parmi d'autres.

PS : Si vous ne validiez pas ce message à la modération, sachez que je vous mépriserai cordialement. Pour ce que cela a de valeur pour vous, sans doute rien, mais c'est tout ce que je puis vous promettre de terrible.

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