A l'occasion de la sortie de son dernier ouvrage, Une Religion pour la république. La foi laïque de Ferdinand Buisson, Vincent Peillon a répondu aux questions de Philippe Nassif pour Philosophie Magazine, qui consacre un dossier spécial à la doctrine et au projet socialistes. En voici un court extrait :
Philosophie magazine : l'extraordinaire modernité de Buisson ne tient-elle pas à ce qu'il propose de reprendre la question de la religion mais en conscience ?
Vincent Peillon : Il me semble qu'il vient à son heure : sa pensée n'était sans doute pas susceptible d'être entendue avant. Contre les partisans kantiens de « la morale indépendante », lui parle d'une « mystique de la raison ». Et dit : nous qui militons pour les principes du respect des personnes, de la rationalité, de l'universalité, nous courons le risque de construire une société froide. Car les gens naissent, meurent, se marient, vivent de grandes détresses. Nous ne menons pas des existences cartésiennes ou kantiennes : nous avons un esprit et un corps, nous sommes mêlés aux autres, avec nos humeurs, nos passions, notre bile. Buisson affirme donc : la république a échoué et échouera tant qu'elle opposera la raison à la religion. Car elle aura toujours face à elle des gens qui ont le monopole de l'affect et du rite, du sens donné au temps, à la naissance, à la mort – je note d'ailleurs que Nicolas Sarkozy tente à son tour de s'appuyer, bien maladroitement, sur les religions révélées. C'est le génie des Quinet, Jaurès, Buisson – inspirés par la pensée protestante – d'avoir -compris cela : la sécularisation de la religion, c'est l'accomplissement même du religieux. Voilà un magnifique paradoxe !
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