Il y a dans la tribune de Nicolas Sarkozy une contradiction fondamentale, un oubli choquant et un amalgame dangereux
1 - La contradiction fondamentale :
La France est définie par le Président de la République par un "héritage", "la civilisation chrétienne qui a laissé une trace profonde", et par "les valeurs de la république". Or la république s'est construite justement pour ne pas définir notre pays par sa religion dominante, et les Français par leur confession religieuse. La France "fille aînée de l'église" a pris pour devise "liberté, égalité, fraternité", une république où les croyances ou non croyances relèvent du domaine privé.
Or la tribune du Président enferme les Français dans des catégories religieuses ("Chrétien, Musulman ou juif, homme de foi"). Du coup, il durcit les oppositions en faisant de la religion la référence première pour définir les Français. Le débat sur l'identité nationale, après s'être construit par rapport à l'immigration, dérive maintenant sur le rapport entre la France et les religions. La laïcité et la république ont été inventées notamment pour éviter cela ! Il nous ramène plus d’un siècle en arrière.
2 - Un oubli choquant : les non-croyants
Dans cette tribune, tout se passe comme si les Français appartenaient tous à une religion. Les non croyants n'existent pas, ce qui est très choquant. Non croyants, ils appartiennent sans doute de fait à ses yeux à la culture chrétienne, musulmane ou juive. C'est contraire à la tradition républicaine française, qui définit les personnes, non en fonction de leur origine ou leur croyance, mais en fonction de leur citoyenneté et de l'égalité des droits et devoirs.
3 - Il y a enfin un amalgame dangereux. Immigrés = musulmans
"Respecter ceux qui arrivent, respecter ceux qui accueillent" dit le Président. Derrière cette évidence que tout le monde peut partager, se dissimule un amalgame : immigrés = musulmans. Alors qu'une moitié des immigrés qui arrivent chaque année sont d'origine européenne ou occidentale. Alors que beaucoup de musulmans en France sont Français ; ils font partie, non pas de ceux qui arrivent, mais de ceux qui accueillent !
Ceux qui arrivent ne sont pas tous musulmans et ceux qui accueillent ne sont pas tous catholiques !
Le vrai message de cette tribune s'adresse en fait aux musulmans ou supposés tels : faites-vous discrets, si vous voulez qu'on vous tolère !
C'est un drôle de métissage que celui que prône le président : "la clé de cet enrichissement mutuel..., c'est une assimilation réussie" écrit il. Autrement dit, se métisser, c'est s'assimiler ! A ceux qui accueillent sans doute ? Il utilise un mot qui se veut tolérant et ouvert, le métissage, pour prôner une identité éternelle, qui n’a jamais existé et qui n’est que l’habillage de l’intolérance.
Le titre de cette tribune : l'identité nationale, antidote au communautarisme ? Par cette contradiction, cet oubli et cet amalgame, il risque au contraire de le renforcer.
Avec cette vision passéiste, il divise au lieu de rassembler.
Vincent Peillon
Tribune de Nicolas Sarkozy : http://www.lemonde.fr/opinions/article/2009/12/08/m-sarkozy-respecter-ceux-qui-arrivent-respecter-ceux-qui-accueillent_1277422_3232.html